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Domaine étranger Chaud devant !

juillet 2007 | Le Matricule des Anges n°85 | par Lucie Clair

La livraison de ses expériences gastronomiques par un Rouletabille en peine de reconnaissance culinaire. Une exploration enjouée par Bill Buford le drolatique.

Prenez un écrivain new yorkais contemporain, donc raisonnablement décalé, fondateur de revue littéraire, éditeur à ses heures au New Yorker, reporter salué pour son témoignage sur la violence des hooligans, auteur d’anthologies, bref, un joyeux dilettante décomplexé comme l’Amérique sait en faire jaillir à chaque coin de rue de Greenwich pour notre plus grand divertissement, jetez-le dans la cuisine du restaurant le plus branché de la même ville, préposé à l’exécution des menues tâches serviles, et dégustez un récit fleuve, savoureux et gouleyant.
Bill Buford est cet écrivain qui un soir d’hiver 2002, à l’orée de la cinquantaine (retour d’âge ?) s’inquiète de ce que sa passion culinaire est l’un des axes boiteux de sa vie. « Cuisinier en chambre, (…) se distinguant par deux traits dominants incompatibles : l’ambition et l’inexpérience » il souffre de manque d’assurance, et commet la première erreur d’une longue suite en chaîne : une invitation à dîner, chez lui, du Chef du moment, Mario Batali. Lequel s’empresse d’investir ses fourneaux, gave ses invités en guise d’apéritif avec de fines tranches de « lardo », gras d’un porc nourri exclusivement « de pommes, de noix et de crème », verse à flots grappa et autres liqueurs, que la nuit, aidant l’heure avançant, plus personne ne parviendra à identifier.
« Chef le plus réputé d’une ville qui compte plus de chefs que n’importe quelle autre ville au monde », Mario Batali cultive aussi l’excès en tout. Son mot d’ordre de l’année : « Ripaille et bombance, c’est encore trop frugal ». On a beau savoir que tout cela (grand restaurant, slogan, livre et émission de cuisine à la TV) est à New York comme ailleurs furieusement travaillé par le marketing, l’homme aux « mollets énormes », que son ancien mentor préparerait bien en « magnifique osso-buco », car l’univers des chefs est impitoyable et les haines de cuisine tenaces a les attraits de Dionysos. Bill, dans la foulée de ce dîner, demande donc à être admis dans les cuisines du Chef, pour un stage de quelques mois. Chaud brûlant, le récit romancé de cette expérience et de ses conséquences est sous-titré à bon escient : « Les aventures d’un amateur gastronome en esclave de cuisine, chef de partie, fabricants de pâtes fraîches et apprenti chez un boucher toscan, amoureux de Dante. »
Chez Mario, débitant canards, découpant carottes, Bill se sent délicieusement tocard et maladroit, enfin prêt à apprendre. Il pourrait s’arrêter là mais le bougre l’a annoncé, il est ambitieux, et drôlement. Suivant les traces de son nouveau gourou, il ira à Londres cuisiner avec le grand Marco Pierre White, le mentor susdit, aussi colérique que l’autre est débonnaire, maître aux jugements implacables et à la sauce parfaite. Puis ce sera la Toscane, pour rencontrer Dario, « la confrérie des bouchers » et en être adoubé membre apprenti par un discours qui lui ouvre des perspectives imprévues : « Tu appartiens désormais à la confrérie charnelle des bouchers. Tu apprends à travailler la chair comme un boucher. Tu dois par conséquent faire l’amour comme un boucher. Tu dois passer le reste de la nuit à exécuter le ténébreux acte de chair. Puis tu te lèveras aux petites heures avant l’aube, imprégné de l’odeur de la chair, et tu déchargeras la chair du camion, comme un boucher. » De fait, il prépare dans la foulée avec maestria des kilomètres de saucisses.
À la fois prétexte à biographie de Mario Batali et à visites de fourneaux réputés, Chaud brûlant est un livre léger, à la prose simple et enlevée, qui, sur le registre éprouvé du Candide, dévoile petits et grands secrets d’un art de vivre au sens complet retenant le lecteur par une célébration où littérature et cuisine, philosophie et nourritures s’unissent en un élan gaiement orgiaque. Sans prétendre à la tenue d’un Jim Harrison, autre grand bon vivant qui s’est penché sur le même sujet avec bonheur, Buford sait nous faire passer de riches heures, et donne envie d’essayer certaines de ses recettes.

Chaud brûlant de Bill Buford, traduit de l’anglais (États-Unis) par Isabelle Chapman, Christian Bourgois, 543 pages, 25

Chaud devant ! Par Lucie Clair
Le Matricule des Anges n°85 , juillet 2007.
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