Rien de plus aisé que de perdre pied dans la prose efflorescente de Claude Ollier dont l’audace littéraire, dans la veine exploratoire du Nouveau Roman, repousse de livre en livre toujours plus loin les limites de la narration. Dans Wert et la vie sans fin qui vient clore le cycle de « quatre récits de couleur mythologique » après Wanderlust et les Oxycèdres (2000), Préhistoire (2001) et Qatastrophe (2004), le lecteur doit en effet accepter de frayer sa voie et de naviguer à vitesse variable dans des espaces disloqués, des temps indécidables, quitte à se perdre dans « un lacis de propositions évasives à syntaxe aléatoire ». Phrases troglodytiques ou vrillées, images brisées ou dilatées, la narration heurtée de ce texte ardu et déroutant s’articule pourtant principalement en deux moments : le premier met en scène Wert, volontairement reclus dans une cellule de ce qui semble être un refuge spécialisé pour anciens vétérans, où entre fulgurances d’un passé « révolu avant d’éclore » et ressassement d’un effroi resté sans nom, il tente de « renouer avec le mot », traquant pour s’en libérer les épisodes d’une guerre qui l’a profondément marqué. La deuxième partie montre Wert passé « dans l’au-delà du deuil », en route cette fois vers un lieu indéterminé et mystérieux, qui le conduira à l’Est et plus encore, vers ce qui apparaît comme « l’autre côté » de lui-même. De ce voyage initiatique tendu vers l’inconnu, aux marges périlleuses de l’invention de soi et des « noms qui sonnent vierges à (l’) oreille », se dégage l’étrange singularité d’une écriture qui tissée dans les légendes et les récits d’un passé mythique, semble soucieuse de « polir le grain de l’âme ».
Wert et la vie sans fin de Claude Ollier
P.O.L, 224 pages, 15 €
Domaine étranger Voyage au bout de soi
septembre 2007 | Le Matricule des Anges n°86
| par
Sophie Deltin
Un livre
Voyage au bout de soi
Par
Sophie Deltin
Le Matricule des Anges n°86
, septembre 2007.