Un mari, deux enfants. Deux enfants en bas âge et depuis peu un cancer dans la tête. Un cancer tout poétique en forme d’étoile. Née dans une ferme, elle s’est souvent perdue et toujours retrouvée. La toute première fois, ses parents l’avaient égarée dans un couffin sur l’étal d’une fête foraine. Ces égarements ont généré une manière décalée d’être au monde : une propension à la contemplation, aux rêveries, une relation charnelle, ombilicale à la nature, à la forêt bretonne, une relativisation de la peur, de l’angoisse. Bref, un rythme et des intérêts très différents du commun des mortels. Depuis sa maladie, elle semble toujours naviguer en couffin au gré des souvenirs, des interventions médicales, des contingences familiales de plus en plus succinctes même si les enfants… À mi-roman ou à mi-poème en prose, elle perdra jusqu’à la mémoire, sombrera dans le coma, sa voix (pas si off que ça) nous parviendra, élaborant des histoires patchworks ou dessinant au point de croix des motifs ténus, crépusculaires, presque ésotériques. « Juste les flèches du soleil dans les roues de leurs rayons. » Les histoires de crabe ne s’avèrent jamais vraiment engageantes. Pourtant, celle racontée par Fabienne Juhel dans ce deuxième ouvrage accroche, émeut, génère des rêves et prête même à sourire. Le secret de ce prof de lettres originaire de Saint Brieuc ? Un style très onirique où le temps, l’espace, les générations, les contes et légendes, le réel finissent par se mélanger, constituer une pâte irisée de mots, d’images, de sensations que l’auteur tord, détord, étire à la manière d’un berlingot, en jouant avec l’ombre et la lumière. Une alternance de phrases simples, directes (parler populaire, langage de l’enfance, quelques mots de breton) : « Bleu, ce n’est pas voyant. On va nous confondre avec le ciel et nous attraperons un accident » et d’autres plus longues qui ondulent. Un sens de la formule. « C’est terrible le silence du monde dans le jardin des hommes. » Alors, un ouvrage plein d’espoir ? Non, pas vraiment, tout simplement bea
Les Bois dormants de Fabienne Juhel, Éditions du Rouergue, 158 pages, 14 €
Domaine français Échos du crabe
septembre 2007 | Le Matricule des Anges n°86
| par
Dominique Aussenac
Un livre
Échos du crabe
Par
Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°86
, septembre 2007.