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Vu à la télévision Chez nous

février 2008 | Le Matricule des Anges n°90 | par François Salvaing

Il y a six mois encore, Timothée n’acceptait aucune invitation le dimanche à midi. Pour être juste : n’en lançait pas non plus. Le dimanche à midi, à 12 h 38 exactement, Timothée avait rendez-vous avec son émission préférée, critique et contradictoire : Arrêt sur images, sur la 5, et ne souffrait aucune conversation pendant son déroulement. Cette addiction avait duré des années, et ne voyant pas d’autre moyen de l’en débarrasser, la direction de France Télévision, service public s’il en fut, eut la radicale bonté de supprimer Arrêt sur images.

Timothée traversa une phase de désarroi. Dressé par Daniel Schneidermann et son équipe1 à ne pas prendre au pied de la lettre les sécrétions de son écran, il eut, n’en faisons pas mystère, des comportements névrotiques, allant par exemple jusqu’à compter dans les sept minutes des vœux adressés aux Français le 31 décembre par le Président Sarkozy, les occurrences des mots tout, toute, tous (dix-sept), ou de l’idée de totalité sous d’autres apparences, telles que chacun, aucun, pas un, jamais, toujours (vingt-six… en tout).

Le cas de Timothée était grave, réclamait antidote. Un ami lui recommanda, aux antipodes d’Arrêt sur images, Jean-Pierre Pernaut, son journal de 13 heures sur TF1. Timothée traîna des pieds, mais finit par s’en prendre une dose. Comme tout le monde, depuis vingt ans. Car c’est le 22 février 1988 que, sur la chaîne attribuée quelques années auparavant à Bouygues Immobilier par le Président Mitterrand, son Premier ministre Fabius et son ministre Lang de la Culture (adresser les prières d’éternelle reconnaissance au Parti socialiste, 10 rue de Solférino, 75007 Paris), c’est le 22 février 1988 disions-nous que pour la première fois Jean-Pierre Pernaut fut appelé à lancer son quotidien Bonjour ! de grimaçant ravi.

En vingt ans, Timothée avait eu plus d’une occasion d’entrevoir des bribes de la chose, mais toujours sur la curiosité l’avait emporté le prurit de déguerpir. Là, il s’y condamna, par ordonnance pour ainsi dire. Le 14 janvier 2008, il avala jusqu’à la dernière seconde un journal ordinaire dans l’œuvre immense de Jean-Pierre Pernaut.

La première info fut doublement représentative de la réputation de cette œuvre. Bonne nouvelle, les températures étaient douces. La météorologie, dans le système pernaltien, constitue l’idéal absolu : elle offre, loin de toute possibilité de contestation, un incomparable éventail d’émotions. On plaint les inondés, on envie les ensoleillés, on se prépare à se régaler de l’embellie, on se résigne par avance à la grisaille. Et le paysage pernaltien avec ses plis, ses falaises, ses péninsules nasale et mentonnière, ses anfractuosités, ses sources lumineuses oculaires et dentales, sait à merveille accompagner de ses bouleversements aussi bien les avis de tempête que la persistance des anticyclones.

Le 14 janvier, sur ce fond de douceur, quelques bémols. À la Turbie (2ème info), des éboulements avaient contraint les autorités à fermer une autoroute. Dans la Vallée d’Aspe, plusieurs villages continuaient d’être coupés du monde. Et près de Strasbourg, on signalait des cas de grippe… Timothée ne mit pas trop de temps à détecter la règle d’or. Un journal de Pernault doit quadriller la France (métropolitaine). En une trentaine de minutes, une bonne quinzaine de départements ou de régions seraient cités, de la Bretagne à l’Alsace, du Nord et du Pas-de-Calais à la Corse du Sud, des Alpes maritimes aux Pyrénées atlantiques. Chaque sujet lancé par une carte rudimentaire, où l’on zoome sur une ville ou un village, d’où témoigne « notre envoyé sur place ».

Il y eut (en 7ème et 8ème positions) deux brèves ayant pour cadre une grande ville. À Marseille, on aperçut le Premier ministre sur le port. Il annonçait la privatisation de la manutention - sujet trop complexe et anxiogène pour être développé sous Pernaut. On remarqua, bien plus important, encadrant Fillon au plus près, le maire et son premier adjoint, attelage UMP affairé à se faire réélire en mars. Dans le 9-3, le ministre de l’Intérieur chuinta que les unités expérimentales qu’elle installait n’avaient « rien, strictement rien à voir » avec la police de proximité démantelée par son illustre prédécesseur place Beauvau. Pernaut glissa au sujet suivant, un déraillement, puis consentit à évoquer (10ème, 11ème et 12ème positions) le monde. Sous trois angles français, n’exagérons rien. Les condamnés tchadiens de l’Arche de Zoé rejugés à Bobigny. L’arrivée en Colombie d’une détenue des FARC, proche de notre Ingrid Betancourt. Le passage à Ryad du VRPrésident de la République française. Là-dessus, retour « chez nous », soldes et ducasses, boucherie familiale de grand-père en petit-fils et noble tradition du tissage de crin de cheval.

Ah quand Pernaut dit « Chez nous ! » L’aile de l’extase. La même qui parsème son prompteur de « Sympathique » et de « Magnifique » de « Ça fait rêver » et de « Belles histoires, car il y en a ». Tant d’acharnement dans la niaiserie, Timothée, au final, ça lui rappela un roman décapant de Michel Besnier, Le Bateau de mariage, où le lecteur des années 90 découvrait peu à peu que les lois et les autorités sous lesquels vivaient les personnages - ses contemporains pourtant ! - étaient, mais oui, celles de Vichy, invaincues, tentaculaires, asphyxiantes.

1 Lesquels viennent d’ouvrir sur Internet un site avec plateaux et commentaires hebdomadaires. http://www.arretsurimages.net

Chez nous Par François Salvaing
Le Matricule des Anges n°90 , février 2008.
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