Romans Vol.1 : Raison et sentiments (suivi de) Orgueil et préjugés (suivi de) Emma (suivi de) Lady Susan
Dans l’Angleterre à cheval sur XVIIIe et XIXe siècles la mode était au roman didactique. Genre censé s’adresser aux femmes qui avant de se lancer dans l’aventure du mariage en connaissaient peu à l’affaire excepté son caractère obligatoire. Hors du conjungo, point de salut dans cette société reposant sur la loi inique de la « substitution » qui consistait à retirer au sexe féminin le droit d’hériter d’un domaine. D’où la névrose de madame Bennett que la nature a dotée de cinq filles. Préférant les voir mourir plutôt que de renoncer à les établir, elle n’hésite pas à envoyer l’aînée galoper à travers champs sous une pluie battante afin de rejoindre un château voisin habité par un aristocrate célibataire. Jane y parviendra déjà malade, s’y alitera faute de pouvoir regagner ses pénates et s’y reposera suffisamment pour captiver le cœur de monsieur Bingley. Sa sœur Elizabeth viendra lui rendre visite, l’occasion de faire connaissance avec monsieur Darcy, un ami de son hôte. Trop jeune encore pour distinguer l’arrogance d’une réserve un peu trop sombre, elle se prend d’une aversion envers lui. Ce sentiment va être décortiqué, analysé par la jeune fille qui, s’appuyant sur sa seule intelligence, finit par renverser la tendance vers une aménité dont elle ne pourra que se féliciter. Orgueil et préjugés, des ennemis que Jane Austen veut combattre dans un esprit encore baigné par celui des Lumières. Cette volonté affichée ne gâche ni la justesse de ses portraits ni la description de mœurs dont elle stigmatise l’absurdité avec un humour caustique mais jamais grinçant. Publié anonymement en 1813, le nom de son auteur fut connu à sa mort en 1817. Dédaignée par les Victoriens, elle connut un regain d’intérêt à partir des années 20. Juste retour des choses pour une femme qui, comme les sœurs Brontë, n’eut pas besoin de franchir les limites de sa campagne anglaise pour appréhender le monde avec sa plume.
Orgueil et préjugés de Jane Austen - Traduit de l’anglais par Pierre Goubert, Folio, 467 pages, 7,90 €