C’est un mince recueil de réflexions sur l’amour, dont l’original semble perdu, et que le philosophe Victor Cousin déniche en 1843, dans les tréfonds de la Bibliothèque Nationale. Mais le copiste y a ajouté une indication : « on l’attribue à M. De Pascal ». Tonnerre : le sévère auteur des Pensées aurait écrit ce Discours sur les passions de l’amour ! On construit (presque) aussitôt des romans, des intrigues de fièvre, des renoncements terribles. Autant dire des sornettes, affirment désormais les spécialistes : disons plutôt que le traité fut composé par un mondain cultivé, qui s’entendait à marier les préoccupations des philosophes à celles des salons. Dans son édition, Jean-Pierre Gaxie feint de se rendre aux avis autorisés, et n’en fait qu’à sa tête : sa longue introduction brouille à loisir les pistes, éclairant Descartes, Stendhal ou Lacan d’une lumière toute pascalienne. Il n’y pas à s’en plaindre, car l’écheveau des spéculations amoureuses - la plus belle dans une lettre de Julie de Lespinasse : « je vous aime, et je crois que ce n’est pas parce que je vous ai aimé » - égare ici avec bonheur tous les procès en attribution. On en oublierait presque notre Discours : à l’ombre d’un appareil critique très complet (préface, note, index, chronologie, bibliographie), il n’occupe guère qu’un cinquième des pages… Mais au-delà des savants prétextes « intertextuels », il vaut toujours le détour. Sans doute est-ce que son auteur inconnu, quel qu’en soit le génie, disposait, aux alentours de 1700, d’un instrument imparable - le français dit classique, dont l’extrémité incandescente dévoile toujours de transparents vertiges : « L’on épuise tous les jours les manières de plaire. Cependant il faut plaire, et l’on plaît ».
Discours sur les passions de l’amourÉditions Cécile Defaut, 156 pages, 12 €
Histoire littéraire Et l’on plaît
mars 2008 | Le Matricule des Anges n°91
| par
Gilles Magniont
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Et l’on plaît
Par
Gilles Magniont
Le Matricule des Anges n°91
, mars 2008.