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Domaine français Dansant dans la lumière

juillet 2008 | Le Matricule des Anges n°95 | par Richard Blin

De Georges Groslier à Pierre Lartigue, de la beauté des femmes khmères à l’éclat de l’or, un feu d’artifice d’images sur fond de pagodes et de méditation sur ce qui n’est déjà plus qu’un paradis perdu.

Eaux et Lumières : Journal du Mékong cambodgien

L' Or et la nuit : Birmanie, Cambodge, Les Nymphéas

Belle idée que celle de rééditer Eaux et lumières (1931) de Georges Groslier, né au Cambodge en 1887, spécialiste de l’art cambodgien, créateur de l’actuel Musée national de Phnom Penh, et auteur de nombreux ouvrages sur l’archéologie, l’art et l’esthétique du pays khmer. Un homme qui consacra sa vie au Cambodge - c’est lui qui, dans la nuit du 24 décembre 1923, fit emprisonner Malraux ainsi que sa femme et l’ami qui les accompagnait, après avoir constaté le vol dont ils s’étaient rendus coupables (des sculptures appartenant à un précieux petit édifice d’Angkor) - et qui avant de mourir sous la torture, en 1945, après son arrestation comme membre de la résistance anti-japonaise, a sans doute écrit les plus belles pages qui soient sur la beauté khmère.
Composé d’une sélection de notes essentiellement prises lors d’une mission de recensement des pagodes s’élevant en bordure du Mékong, Eaux et lumières se présente comme un Journal divisé en deux parties, l’une consacrée à la période des hautes eaux (septembre-octobre), et l’autre à celle des basses eaux (juillet-août). Magnifiquement écrit, c’est une sorte de paradis perdu qu’on voit vivre et bouger. Un monde mis à nu à travers sa beauté grave ou insolite, sa luxuriance et ses spécificités. Au fil de l’eau et « de toit doré en toit doré », c’est le fleuve qui se dévoile, ses riverains, ses pêcheurs, ses pirogues. « Ce sont de belles inaccessibles, trop sveltes, trop sensibles, qui ne se donnent qu’à ceux qu’elles connaissent et qui les connaissent. Et je ne peux les comparer qu’à leurs sœurs, les filles du Cambodge qu’on voit passer l’air sérieux, la bouche sévère, le visage dur et qui, dès qu’on leur dit avec politesse les mots qu’elles comprennent et qui leur plaisent, vous répondent avec confiance et vous offrent aussitôt un sourire plein de charme et de puérilité. Et je rêve au moment où je saurai dire avec politesse, aux pirogues, des propos qui leur plaisent et qu’elles comprennent. »
Un pays dur à l’Occidental mais où les matins et les soirs « compensent ce que les journées ont d’ardent et d’implacable ». Somptueuses cérémonies journalières où eaux et lumières officient, métamorphosant sans cesse le paysage. Ces moments, cette nature, Groslier les évoque très sensuellement, qu’il s’agisse de la vase chaude giclant entre les orteils (« Tout le Cambodge est fait de cette vase voyageuse, arrachée à d’autres pays »), des « draperies de convolvulacées jetées d’arbre en arbre », ou de « la mélancolie des blanches aigrettes, en troupes envolées et qui tendent une écharpe à fleur d’eau ». Mais c’est aussi le sourire chinois « déclenché par une ficelle et qui plisse le bas du visage en découvrant les dents », le triste spectacle des vieux sanctuaires laissant la place à des pagodes en béton armé, et tous ces religieux « qui ont fait vœu de pauvreté et se drapent de soie ; vœu de solitude et qui vivent dans une population toujours à leur pied ; vœu de mendicité et qu’on sert comme des princes ; vœu d’abstinence et qui s’épanouissent entourés de victuailles et de confiseries ; (…)  ; vœu d’humilité et à qui l’on ne parle qu’à genoux et mains jointes ». Mais, enluminant littéralement le pays, il y a surtout la beauté khmère, celle des jeunes filles et des femmes qui « ne savent pas leur beauté, n’en font rien, ne cherchent pas à la mettre individuellement en valeur ». Une perfection plastique avec parfois quelque chose de baudelairien lorsqu’elles passent, « bijoux révélés qui fondent… Oui ! C’était bien l’heure où, vibrant sur sa tige, chaque fleur, chacune de ses femmes, s’évaporait ainsi qu’un encensoir ».
Une grâce qui fascine autant Pierre Lartigue que Pierre Loti, et qui relève de l’extraordinaire émotion de Rodin face aux danseuses cambodgiennes. C’est d’ailleurs la danse qui fait voyager Lartigue, cherchant à travers l’Inde et l’Indonésie, « le lien entre les gestes de la vie, l’architecture et la foule immobile des statues ». C’est ainsi que L’Or et la nuit, après L’Inde au pied nu et Le Ciel dans l’eau, Angkor (chez le même éditeur), se présente comme la poursuite d’une sorte de méditation sur les liens que la danse peut entretenir avec la nature, l’histoire et la vie de certains peuples. Un voyage qui passe par la Birmanie - un pays aujourd’hui entièrement muselé par une dictature militaire qui « prive son peuple de la parole, de la vue et de l’ouïe » - mais où, malgré la misère culturelle et le tourisme industriel, persistent un théâtre de marionnettes et des danseurs capables de confronter au fil de leurs mouvements, la mécanique et le vivant. Un voyage qui passe à nouveau par le Cambodge, Phnom Penh, sa frénésie marchande et son activité spéculatrice qui a obligé l’Ecole de danse à émigrer loin du centre ville alors que la danse cambodgienne est une danse de cour « qui a valeur symbolique et doit se tenir au centre de la ville ». Un livre particulièrement sensible, porté par l’éclat de ses images et son sens dansant de la vie telle qu’elle peut se manifester aussi à travers le bouton de la fleur du lotus ou les Nymphéas de Claude Monet.

Eaux et lumières
Georges Groslier
La Bibliothèque
208 pages, 16
L’Or et la nuit
Pierre Lartigue
La Bibliothèque
144 pages, 14

Dansant dans la lumière Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°95 , juillet 2008.
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