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Domaine français Question des tiques

janvier 2009 | Le Matricule des Anges n°99 | par Camille Decisier

Le nouveau livre de Jean Rolin, insolite et très documenté, est une monographie de l’errance canine à travers les continents. Ou l’itinéraire mouvementé d’une idée fixe.

Un chien mort après lui

À peine rentré du Congo, jusqu’où il était parvenu tant bien que mal à escorter une vieille Audi 1, voilà que Rolin remet les voiles. Avec une fois encore la promesse de rapporter, plutôt qu’une boule à neige ou son prénom sur un grain de riz, le panorama grand angle d’une idée fixe. La probité de Jean Rolin, l’humilité de son écriture feraient presque de cet homme en mouvement perpétuel un écrivain de témoignage, un historien du lieu et de l’instant. Le choix d’une syntaxe méticuleuse, d’une grande rigueur descriptive, le refus absolu de l’effet de style - qui cependant naît, spontanément, de cet évitement - plaident moins la fantaisie que la géométrie. C’est souvent, en revanche, dans les points de départ mentaux de ses récits que surgit l’anomalie.
Avec Un chien mort après lui, c’est le projet d’une étude approfondie des chiens errants qui mène Rolin du Turkménistan au… Turkménistan, via trois autres continents, dans une sorte de boucle marquant l’incomplétude de l’enquête. Enquête qui, sous ses dehors secondaires, se révèle plutôt captivante lorsque l’on découvre la multiplicité des champs qu’elle aborde. Le chien errant, ou « féral » selon l’étymologie latine, est en effet souvent accolé à une réalité sociale, historique ou même politique sans commune mesure avec l’indifférence que l’animal inspire. Qu’il soit, comme en Asie centrale, le vestige « d’une activité pastorale non moins révolue que toutes les autres », ou bien, à Valparaiso, l’ange gardien des ivrognes à la fermeture des bars ; qu’il se dispute avec les humains la décharge de Tijuana ou avec les corbeaux les abords des génocides rwandais, il est toujours le témoin et l’indice d’un certain état de fait. Sa présence semble accompagner une cruauté humaine qui n’a d’équivalent que la persécution dont lui-même fait l’objet. Largement fréquentée par la mythologie, la figure du chien errant inspira Volney, Nerval ou Malaparte, mais surtout Flaubert, sur les indications duquel Rolin poursuit sa traque en Egypte : « ’’Il faut surtout se défier, dit Mahmoud, de ceux qui ont pris goût à la chair humaine en mangeant des cadavres dans des cimetières«  ; mais il entrait dans ces propos beaucoup de licence poétique, et de même quand il prétendait que le peuple des cabanes vivait bien, voire grassement, de ce qu’il récoltait sur la décharge, en particulier des »montres en or« , comme si c’était tous les jours que quelqu’un se défaisait d’un objet de ce genre dans une poubelle du Caire. » Des fourrières de Mexico aux brigades canines d’Athènes, chargées de » nettoyer " la ville en prévisions des J.O., le destin des chiens sans collier croise souvent dans l’Histoire celui des peuples sans patrie, chassés par d’incompréhensibles luttes de territoire : « Dès les premiers jours de la guerre opposant l’armée israélienne à la milice du Hezbollah, en juillet 2006, la figure rhétorique du chien errant, ou la réalité de celui-ci, apparaît dans beaucoup de récits se rapportant à ce conflit. (…) Le chien errant (…) met en relief l’iniquité du fauteur de guerre et l’injustice redoublée qui frappe ses victimes, non seulement privées de la vie mais laissées après cela sans sépulture. » On retiendra également, parmi les occurrences frappantes, les chiens anti-chars utilisés par l’armée russe dans les années 40, ainsi que les célèbres dingos australiens, qui font aujourd’hui encore l’objet d’une chasse sans relâche, tenus à l’écart du bétail par une clôture longue de 5400 km.
En regard de ce travail de recensement, on retrouve l’aveu des failles du voyageur, en particulier son goût parfois problématique pour la clandestinité, et surtout la notion d’impuissance face à une réalité géopolitique dans laquelle il ne fait que passer. Car Jean Rolin est lui-même un narrateur errant ; il interroge avec justesse les réflexes mentaux engendrés par l’exode, et ce sentiment d’étrangeté propre au bourlingueur, loin des extases exotiques du tourisme d’agrément.

1 Explosion de la durite (P.O.L, 2007, Folio, 2008)

Un chien mort aprÈs lui de Jean Rolin
P.O.L, 345 pages, 20

Question des tiques Par Camille Decisier
Le Matricule des Anges n°99 , janvier 2009.
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