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Domaine français Le corps du délit

janvier 2009 | Le Matricule des Anges n°99 | par Richard Blin

En donnant voix à trois mutilés de l’amour, en rade dans la salle d’attente du bonheur, Tatiana Arfel signe un premier roman inattendu.

L' Attente du soir

C’est l’esprit du conte qui anime, infuse L’Attente du soir, de Tatiana Arfel, née en 1979. Un parti pris quelque peu ironique tant il s’agit de montrer que la vie n’est pas un conte de fées. Et manifestement, elle sait de quoi elle parle puisque diplômée de psychologie clinique et de psychopathologie, elle anime des ateliers d’écriture visant la décharge, par l’écrit, du trop-plein de souffrance.
Ils sont trois à parler à tour de rôle, trois en proie au vertige de l’inadéquation au monde. Il y a Giacomo, dresseur de caniches, orchestrateur symphonique de parfums, vieux clown blanc aimant la poésie et les mots. Un homme qui n’aura jamais fait que vendre du rêve sous le chapiteau du cirque dont il devient le directeur après que le Sort eut jeté mortellement au sol sa trapéziste de mère et fait perdre la tête à son clown de père. Un homme resté sans femme - « Je voulais être arraché à moi-même et, quand je le fus enfin, j’étais bien trop vieux pour espérer un sentiment de retour » -, et qui aura passé sa vie à inventer des histoires qui racontent toutes la même chose, des hommes « livrés à un monde immense, sauvage, joyeux et désordonné où ils sont les derniers à s’y retrouver - loin derrière les caniches ». Un homme constamment en transit et obnubilé par la nécessité de tenir le Sort à distance, « en lui jetant du rire ou de la poésie à la figure ».
Il y a Mlle B., une sorte d’emmurée vive, retirée d’elle, absente, exilée « au bord de la scène », condamnée, dans un corps sans regard et avec un cœur sans émoi, à regarder les autres vivre. Une morte-vivante, que ses parents ne voyaient « littéralement pas », implacablement niée par une mère mue par une haine silencieuse, et obsédée par l’hygiène et la javellisation des corps. Vivant sous cloche, prisonnière du gris de sa chair grise, ne désirant rien, elle lutte - en se réfugiant derrière le monde connu et fiable des chiffres, en se récitant interminablement des tables de multiplication, ou en suivant les trajets imaginaires que son imagination trace au sol - contre les images d’yeux cloués qui l’assaillent, ou contre la terreur blanche de l’angoisse, qui l’empêche même de crier, car sa bouche « serait étouffée par un amas de plumes blanches ».
Enfin, il y a le môme, l’enfant sauvage, abandonné dans un terrain vague et survivant au milieu des herbes, des immondices et des bouts de ferraille. Il marche les mains au sol, aboie, mange et fait ses besoins comme un chien. Mais il résiste, au sens le plus héroïque du terme. Et fort de la force de l’instinct, il découvre la couleur, faisant sortir sur le papier - en s’aidant de ce qu’il trouve dans les sacs poubelles - « ce qu’il y a dans sa tête ». Sans mots pour penser, il peint pour rassembler les bouts de sa vie.
Ces trois-là vont se rencontrer. Parce qu’ils ont su attendre, c’est-à-dire patienter, accepter le pâtir, la souffrance, le déchirement mais aussi l’espoir d’un mieux. Et rien ne traduit mieux cette espérance que le cirque, que ce culte quotidien rendu aux fastes de l’illusion, dont le chapiteau est « la crypte sacrée », et Giacomo le grand-prêtre, celui qui, avec sa science du parfum et son sens de la dimension cachée du sensible, délie les sensorialités et réveille les cœurs. Au même titre que les peintures du môme retrouvant à travers les substances naturelles - jus de plantes, sang, sanie, cendre - le sens premier des couleurs, le sens originel de la peinture : primauté sur la parole, pouvoir de guérison, de jouissance et de voyance - une façon de lier le voir et le savoir, qui reconduira le môme jusqu’à ses origines. Un premier roman ample et ambitieux - même si parfois trop prévisible ou trop didactique -, zébré du trafic cruel et sournois des désirs frustrés, mais riche et résonnant de ces splendeurs clandestines qui ferraillent parfois à l’horizon chimérique de nos rêves.

L’Attente du soir de Tatiana Arfel
José Corti, 336 pages, 19

Le corps du délit Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°99 , janvier 2009.
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