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Traduction Natacha Rimasson-Fertin

février 2009 | Le Matricule des Anges n°100 | par Natacha Rimasson-Fertin

Contes pour les enfants et la maison, des frères Grimm

C’est à l’occasion des Rencontres d’Aubrac, auxquelles nous participions toutes les deux, en août 2003, que j’ai rencontré Fabienne Raphoz, des éditions José Corti. Entre passionnées de contes, la discussion se noue rapidement, puis, au détour d’une phrase, surgit cette question : « Est-ce que cela vous dirait de traduire Grimm ? » La réponse est simple : oui, bien sûr, même s’il s’agit de ma première traduction - ce genre de choses n’arrive qu’une fois dans une vie ! En 2005, le contrat est signé. Trois années s’annoncent bien remplies.
Après la première traduction intégrale des Kinder- und Hausmärchen par Armel Guerne en 1967, publiée aux éditions Garnier-Flammarion, deux traductions partielles ont vu le jour aux éditions Gallimard (Folio), dues respectivement à Marthe Robert (1976) et à Jean Amsler (1996). Mais il n’existe pas, à l’heure actuelle, d’édition scientifique des Contes de Grimm sur le modèle des éditions critiques allemandes, qui rassemblent, hormis les 201 textes qui constituent la base du recueil, dix légendes pour les enfants (Kinderlegenden) ainsi que 28 textes supprimés par les frères Grimm de leur vivant. Par ailleurs, dès la première édition du recueil (1812-1815), Jacob et Wilhelm Grimm accompagnent les deux volumes d’une préface, puis, dès la deuxième édition (1819), d’un volume entier de notes, qui ne figurent dans aucune des traductions existantes. La préface pose les questions essentielles sur le genre du conte, notamment sur son rapport au mythe et à la légende.
Cette nouvelle traduction, qui fait une large place aux préfaces successives des frères Grimm ainsi qu’à leurs notes, se propose de restituer toute la richesse du recueil, qui mêle contes merveilleux, contes facétieux, contes légendaires, contes chrétiens et contes d’animaux, mais aussi des récits ayant une dimension étiologique, c’est-à-dire apportant une explication à un phénomène naturel en en relatant l’origine. À cette variété de genres correspond une grande variété stylistique.
Parmi quelques-uns des choix de traduction qui ont été les miens, j’ai choisi de conserver l’orthographe allemande des prénoms des personnages (par exemple Hänsel et Gretel, Hans, Jorinde et Joringel), sauf dans les cas où ces prénoms n’étaient guère évocateurs pour un lecteur francophone, par exemple Frieder et Catherlieschen, traduits par des prénoms français proches, Frédéric et Lisette. J’ai également choisi de ne pas traduire le nom des unités monétaires allemandes (Heller, Groschen, Kreuzer, Taler) afin de rendre compte de la diversité liée au morcellement géographique et politique de l’Allemagne à l’époque des Grimm. De même, pour les unités de mesure anciennes, je me suis efforcée de trouver des équivalents utilisés dans les régions françaises à la même époque ou sous l’Ancien Régime.
Parmi les difficultés que comporte le passage d’une langue à l’autre, la première a trait au genre de certains termes, qui n’est pas le même en allemand et en français. Le mot der Tod (la mort) est certainement l’exemple le plus significatif. Dans Der Gevatter Tod (« La Mort comme parrain »), un homme pauvre part à la recherche d’un parrain pour son dernier-né, et rencontre tout d’abord Dieu puis le diable. Il rencontre ensuite la Mort, qui, en allemand, est un personnage masculin. Les associations liées à ce terme sont donc très différentes de celles qui s’opèrent chez un lecteur francophone. De plus, dans les sociétés européennes du XIXe siècle, les rôles de parrain et de marraine étaient loin d’être équivalents, l’homme étant le représentant de l’autorité - un aspect dont la traduction habituelle du titre, « La mort-marraine », rend insuffisamment compte.
Pour ce qui est du style, le texte des contes s’organise en paragraphes massifs, composés de phrases très longues, souvent coupées par un point-virgule et articulées par une série de « et », « et alors ». Un respect total de cette structure paratactique aboutissait à un texte au style très lourd en français. Toute la difficulté est de trouver un juste milieu entre une traduction littérale et une traduction au style un peu plus libre. De même, les proverbes et les locutions dont Wilhelm Grimm a émaillé le texte des contes, afin de leur donner un caractère oral et populaire, ne sont pas toujours facilement transposables. Il arrive qu’il s’agisse d’expressions assez rares, comme dans « Les quatre frères habiles », où l’un des personnages doit toucher d’un seul coup de fusil des œufs posés aux quatre coins d’une table et un cinquième œuf posé au milieu de celle-ci : « Il avait certainement un fusil à tirer dans les coins », dit le conte. Dans d’autres cas, j’ai opté pour une traduction littérale lorsque son sens était compréhensible : ainsi, dans « Les gens avisés », un conte où le personnage principal part en quête de gens simples d’esprit, il croise un homme dont le comportement étrange lui inspire la réflexion suivante : « Tiens, encore un qui n’a pas de mèche dans sa lampe ».
Le recueil des Contes pour les enfants et la maison comporte aussi une dizaine de textes en dialecte, provenant de différentes régions allemandes, mais aussi d’Autriche et de Suisse. On sait que les Grimm accordaient à ces récits beaucoup de valeur et considéraient que la langue allemande y gagnait considérablement. De nombreux termes sont d’un usage limité à l’oral et n’apparaissent pas toujours dans les dictionnaires unilingues allemands. La traduction de ces textes soulève des questions : faut-il chercher à rendre un dialecte par un patois français, et si oui, lequel ? Cette opposition entre Hochdeutsch - allemand standard - et dialectes peut-elle (et doit-elle) être restituée par une différence de niveaux stylistiques ? En définitive, pour des raisons de clarté, j’ai opté pour une uniformité du niveau de langue.

* Natacha Rimasson-Fertin a consacré sa thèse à « L’autre monde dans les contes de Grimm et d’Afanassiev ». Les Contes pour les enfants et la maison paraîtront en deux volumes chez Corti en mai 2009.

Natacha Rimasson-Fertin Par Natacha Rimasson-Fertin
Le Matricule des Anges n°100 , février 2009.
LMDA PDF n°100
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