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Histoire littéraire L’école buissonnière

février 2009 | Le Matricule des Anges n°100 | par Benoît Legemble

Servi par deux nouvelles traductions, Mark Twain enchaîne avec bonheur les péripéties comme d’autres enfilent les perles.

Les Aventures de Tom Sawyer

S’il fallait dire deux mots du génie de Mark Twain, de son vrai nom Samuel Langhorne Clemens (1835-1910), on dirait sans doute qu’il se situe sur l’abscisse de la modernité. Par l’esprit tout d’abord. Il fut en effet l’un des premiers à abhorrer ouvertement l’impérialisme américain et son esprit de conquête, évoquant régulièrement dans les diverses revues pour lesquelles il écrivit l’inculture avec laquelle l’Américain moyen envisage l’épreuve de l’étranger. Twain, lui, était un grand voyageur. L’Europe et la Polynésie n’avaient aucun secret pour lui. Féru de navigation, il parcourut le globe durant la majeure partie de sa vie et explora le Mississippi dans ses moindres méandres. Il reçut à la suite de cette expérience le sobriquet de Mark Twain, soit « Mark, les deux (brasses) » - surnom qu’il recyclera à l’heure de suivre la voie des lettres. Mais plus encore, Twain était chercheur d’or, fervent opposant à l’esclavagisme et pamphlétaire de renom au gré des causes religieuses. De tout cela, on retiendra certainement un goût implacable pour la vérité et une grande exigence morale. Autant de thèmes qu’on retrouve dans Les Aventures de Tom Sawyer et de Huckleberry Finn, enfin retraduites aujourd’hui dans leur intégralité à travers la langue d’un Bernard Hoepffner inspiré qui rend à merveille l’argot du sud du Mississippi et les innombrables trouvailles linguistiques dont regorgent les deux fictions.
Le premier récit se focalise sur les aventures des deux enfants, et dont l’esprit assoiffé d’histoires improbables sorties tout droit des livres de contes les conduira à tenter la fortune. La pente est sans cesse glissante chez Tom Sawyer. Un rat crevé dans sa besace, un sac de billes ou un insecte dans la poche peuvent servir de butin pour le plus beau des récits. Le paysage, aussi, est prétexte à une invitation au voyage : « Jackson’s Island » devient ainsi le camp de retranchement, l’espace vierge où les enfants mèneront à bien leur vie de pirate, c’est-à-dire une vie située à mille lieux du monde floué des adultes et de ses mensonges. L’île est cet espace intermédiaire et alternatif où l’imagination est reine et où le plaisir s’épanouit, loin des obligations imposées par la pensée rationaliste. La grotte vient également stigmatiser les dédales de la construction de l’identité : Tom Sawyer s’y perdra avec la belle Becky, métaphorisant ainsi la difficulté de la quête amoureuse et la perte de l’innocence. C’est qu’il y a toujours plusieurs niveaux de lectures chez Mark Twain. L’intérêt est que l’œuvre n’est pas uniquement à portée des enfants. Elle abonde en aventures toutes plus jouissives et rocambolesques les unes que les autres, mais elle est également dotée de cette consistance dramatique dont on fait les plus grands récits.
Ainsi faut-il parler du second volet des aventures. Avec le personnage de Huck Finn, Twain introduit le tragique et la gravité. C’est qu’il nous rappelle l’absence du père chez Twain lui-même, mais également chez Tom Sawyer. Huck, lui, a bien un père, souvent absent. « Le vieux allait pas tarder à réapparaître un de ces jours ». Le jeune homme aurait « préféré plus revoir » ce père alcoolique et violent, qui en a après son argent. Alors Huck renonce. S’il est bien riche depuis qu’il a trouvé le trésor de Injun Joe, il préfère tirer un trait à ce père défectueux plutôt que de s’enliser dans une pantomime parodique de vie familiale. Le patriarcat est toujours défaillant, chez Twain. C’est ce que le récit nous enseigne, comme en contrepoint à la beauté rafraîchissante des aventures des deux jeunes pirates. L’éclat provient naturellement de cette conscience de l’inévitabilité de la perte, même si le jeu consiste à puiser sans cesse en soi pour retrouver cette candeur des premiers jours.

Les Aventures de Tom Sawyer et Les Aventures de Huckleberry Finn de Mark Twain, traduits par Bernard Hoepffner, Tristram, 305 et 438 pages, 21 et 24

L’école buissonnière Par Benoît Legemble
Le Matricule des Anges n°100 , février 2009.
LMDA PDF n°100
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