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Essais Le vertige maîtrisé

mars 2009 | Le Matricule des Anges n°101 | par Richard Blin

Autoportrait de Julián Ríos en lecteur, Quichotte & Fils fait aussi la démonstration que la lecture est un des visages de la création.

Quichotte et fils

En dressant quelque chose comme l’arbre généalogique du Don Quichotte de Cervantès, c’est la filiation cervantine de quelques-uns des auteurs majeurs de la modernité que dessine Julián Ríos, lui-même héritier de la trinité fondatrice du roman moderne - Rabelais, Cervantès, Sterne -, l’un des écrivains espagnols les plus inventifs et les plus créatifs. Les huit chapitres que comporte son livre constituent un véritable art de lire tant s’y révèle originale l’approche des textes, et ingénieuse l’habileté à en traquer les connexions, correspondances et autres concordances qui les trame et les reflète.

Le triomphe du principe d’incertitude.

La traversée d’un océan d’histoires, dont le chapitre initial - qui évoque la lecture que fait Thomas Mann du Don Quichotte lors d’un voyage en paquebot vers l’Amérique - est emblématique. Fondant dans le même mouvement le roman et l’humour modernes, Don Quichotte est aussi le modèle du roman encyclopédique, non pas tant un livre qu’une bibliothèque où se trouvent « des thèmes pour tous les goûts et dégoûts, matière abondante à discussion, à collection et à collision, chaque entrée offrant plus d’une sortie ». Une conception du roman qui se retrouve dans l’Ulysse de Joyce et sa « conversation joycéanique ». Dans l’obsession livresque, l’imaginaire et le style hybride, « argotique, dialectal, polyglotte et cultivé » d’Arno Schmidt. Dans Marelle de Julio Cortázar, où l’invention est double : « ôter à l’extraordinaire l’extra et l’ajouter à l’ordinaire ». Chez Machado de Assis et ses Mémoires posthumes de Brás Cubas, dans sa façon de fragmenter le roman, d’accélérer ou de retarder la narration, de pratiquer « l’association illégale d’idées comme principe directeur du récit ». Machado de Assis à qui l’on doit aussi la création d’une « zone franche dans la fiction », un territoire « où le jugement est suspendu » (Kundera). Chez Nabokov, enfin, prodigieux maître du trompe-l’œil, sorte de chevalier des mirages mettant « sens dessus dessous les signes ». Nabokov et sa Lolita, « fille de Don Quichotte et de la passion pour les papillons d’un chasseur enchanté ». Un roman fondé sur la dualité, où tout est jeu et duel de doubles dans une galerie de miroirs : « Lolita est la transfiguration de cette Annabel Leigh perdue sur la plage d’enfance de la Côte d’Azur, qui est à son tour une transfiguration ou transposition de la poétique Annabel Lee d’E.A. Poe… ». Dualité qui induit des lectures unilatérales et conduit trop souvent à privilégier le fond au détriment de la forme ou vice versa, « à voir la trame sexuelle et non la textuelle, à apprécier l’histoire d’amour et non sa parodie » en oubliant que tous ces pôles se confondent. Nabokov et son étourdissant Feu pâle, un roman de romans qui montre combien sont trompeuses les apparences surtout quand elles se superposent. « Superpositions sur suppositions, réflexions sur réflexions », ici encore tout est double et duplicité, mimétisme, fausse symétrie et triomphe du principe d’incertitude.
Un magnifique hommage donc, à ces grands artistes du langage et de la forme qu’ils sont tous, et pour qui la réalité (qu’il faudrait toujours écrire entre guillemets comme le faisait Nabokov) n’est ni le sujet ni l’objet de l’art véritable, qui « crée sa propre réalité spéciale ». Et une magistrale leçon de lecture montrant combien c’est le style qui rend intéressant l’événement le plus commun, et combien la littérature est ce qui se relit, tant le texte « a une réalité graduelle qui s’accroît avec notre capacité de lecture ». Combien enfin, auteur et lecteur sont faits pour se compléter, devenir à la fois « coauteur et collecteur ».

Quichotte & Fils
Julián Ríos
Traduits de l’espagnol par Albert Bensoussan et Geneviève Duchêne
Tristram, 192 pages, 18

Le vertige maîtrisé Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°101 , mars 2009.
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