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Poésie Autour du bûcher

avril 2009 | Le Matricule des Anges n°102 | par Richard Blin

Écrivain sensuel à l’écriture humorale, Jean Clair en se faisant le contempteur de notre époque, nous incite à la contre-penser.

À lire le nouveau tome de son Journal (2007-2008), il apparaît que c’est peut-être le qualificatif de réfractaire qui conviendrait le mieux à Jean Clair. Un terme à prendre dans son double sens d’homme qui refuse de se soumettre et qui résiste au feu. Fils d’une mère au « cœur simple » et d’un père petit paysan nivernais, Jean Clair est né en 1940. Docteur ès-lettres (Sorbonne et Harvard), conservateur des Musées de France, fondateur des Cahiers du Musée national d’art moderne, ancien directeur du musée Picasso, il a été commissaire de nombreuses expositions - Duchamp, Magritte, Les Réalismes, Vienne, L’Âme au corps, Balthus, Mélancolie… -, a fait des expositions au Brésil et en Turquie, a parcouru le Japon et vient d’être élu à l’Académie française. Après les livres qu’il a consacrés à l’art et ceux dont il a assumé la direction, il mène aujourd’hui combat contre les virus de la soumission et de la démission, et son Journal peut se lire comme le contre-missel qu’il opposerait à la lente disparition d’un monde où l’on aimait lire, où l’art et la culture n’avaient pas encore perdu leur sens et leur valeur.
Un journal sans date où il consigne des pensées, note des réflexions sans autre ordre que celui de leur apparition. Organisé par saisons, ce Journal module un paysage intérieur autant qu’il se fait arme de résistance, espace ou brûler les fausses idoles. En franc-tireur ne redoutant ni les paradoxes ni la partialité passionnée, mais en sachant de quoi il parle - son parcours en témoigne -, Jean Clair fustige l’uniformisation des mœurs, des désirs et des rêves, « l’anthropolâtrie, ce culte moderne du moi », la peinture « dite « libérée » - libérée de la servitude de représenter et privée de l’honneur de comprendre et glorifier ». Il dit son exaspération à l’égard de la perversion généralisée de la langue faisant des artistes des « acteurs de l’art », du public « des regardeurs », de la grammaire « l’Observation Réfléchie de la Langue ». Une grammaire qui, moins ignorée, éviterait « l’auteure » ou « la professeure » au nom de la règle qui veut que la fonction soit du genre neutre.
Possédant la curiosité de ceux qui croient aux secrets entrelacs tissant le visible à l’invisible, il s’élève contre l’imposture qui consiste à ranger la culture sous l’administration de l’État, à la soumettre à des règles de bénéfice ou à une « Mission permanente d’inspection, de conseil et d’évaluation de la création artistique ». Il réclame un peu de bon sens lorsqu’on veut construire des musées non plus autour de collections mais autour du public, lorsqu’on oublie qu’éduquer un enfant c’est « l’écarter du royaume imaginaire dont il prétend être le roi », ou lorsqu’on feint de ne pas savoir qu’aimer les œuvres du passé, c’est savoir les relire, les élire, les relier entre elles. D’où son combat en faveur de l’éducation artistique, et de l’intelligence du sens.
Des pages où Jean Clair sait aussi reconnaître qu’il a été inconstant, que son désarroi est toujours le même face à l’énigme de la beauté, qu’il préfère les choses aux humains parce que l’amour d’un être « relève d’un culte. Et comme tout ce qui relève d’un culte, il provoque effroi et fascination ». Où il revient sur sa timidité - « Aller chez le coiffeur, consulter un tailleur, commander un repas, voire un taxi, me coûte chaque fois beaucoup plus que la note à payer » -, sur son amour des mots comme du théâtre enfantin. Le Journal d’un trouble-fête dont l’idéal éthique et esthétique est celui d’un esprit libre et cultivé en dissonance avec un monde qu’il contre-pense.

La Tourterelle et le chat-huant
de Jean Clair, Gallimard, 264 pages, 19,50

Autour du bûcher Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°102 , avril 2009.
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