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Domaine étranger À corps perdus

janvier 2010 | Le Matricule des Anges n°109 | par Richard Blin

Les errements en Ethiopie d’un officier italien aux prises avec l’étrangeté fascinante de l’autre. Réédition du seul roman d’Ennio Flaiano, scénariste de Fellini.

Pourfendeur de l’optimisme facile, essayiste, journaliste d’une lucidité impitoyable « Si les peuples se connaissaient mieux, ils se détesteraient encore plus » Ennio Flaiano (1910-1972), qui fut aussi le scénariste de Fellini (La Dolce Vita, La Strada, Huit et demi, Juliette des esprits), travailla avec Antonioni (La Nuit), Roberto Rosselini, William Wyler…, n’aura écrit qu’un seul roman, Un temps pour tuer (prix Strega 1947), dont une première édition a paru en 1951 sous le titre Le Chemin de traverse.
Faux roman d’aventure, portrait sans fard de l’être humain, il relate, à la première personne, les tribulations d’un officier pour le moins désabusé, faisant partie du corps expéditionnaire italien envoyé en Ethiopie. Tout commence avec un mal de dents coriace et une permission de quatre jours pour aller se faire soigner dans la ville la plus proche. Mais le camion dans lequel il a pris place se retourne. Indemne, et plutôt que d’attendre au bord de la route un autre camion, il décide de poursuivre à pied en empruntant un raccourci. Il va s’égarer, errer un moment avant de tomber sur une jeune indigène en train de se laver, la chevelure ramassée dans un turban blanc. « C’était vraiment une de ces beautés que l’on accepte avec crainte, qui vous ramène aux temps lointains dont le souvenir subsiste, encore estompé, ou que l’on retrouve dans les rêves, sans savoir si elles appartiennent au passé ou au futur. »
Il est perdu, elle est mystérieusement belle. Son corps parfait, sa grâce instinctive, et tout ce qu’elle incarne de pureté originaire, de nostalgie édénique, vont faire le reste, les mener dans une grotte où ils s’aimeront et où ils s’installent pour passer la nuit. Une nuit fatale où le mauvais œil, la mauvaise peur et le destin vont s’unir pour leur malheur. « Comment fait-on quand une femme est en train de mourir, et qu’on est perdu avec elle dans la nuit la plus obscure de l’année, parmi des ombres menaçantes, dans une terre qui a déjà usé vos nerfs et que vous haïssez de toute votre âme ? »
Débute alors une longue errance du côté du singulier et de l’obscur, de l’équivoque et du trouble. Indécis, en proie à de fluctuants états d’âme, autant victime de lui-même que d’un contexte où se multiplient les faux signes, le narrateur va vivre dans l’angoisse et la fascination terrifiée de son geste. Livré à la solitude et au dénuement, craignant d’être accusé de viol et de meurtre, il réussira cependant à regagner son camp sans éveiller de soupçons. Mais ce sera pour mieux être confronté à la même taraudante sensation de culpabilité, aux mêmes énigmes hypnotisantes. Qui était celle qu’il a tuée ? Quelle est l’origine des taches maladives qui sont apparues sur ses mains, autour de son ventre et sur ses bras ? De quel mal sont-ils le signe, les symptômes ? De quelle dégradation, de quel univers déjà corrompu ? « Dans une terre où naît l’hyène il doit y avoir quelque chose de pourri ! »
Prisonnier d’un univers dissonant où les identités vacillent, où les temps se superposent, où chaque secret découvert en cache un autre, où règnent la brutalité, la veulerie et le vice, il va cependant sacrifier les deux seules personnes qui ont de la sympathie pour lui : le commandant et le médecin. Ni plus ni moins que « deux pierres à enlever du sentier et à jeter sur la tombe de Mariam, sur cette tombe insatisfaite. Et en hommage à Elle ». Et la nouvelle permission miraculeusement obtenue va virer au cauchemar.
Un roman où ne cesse d’alterner apaisements et tensions, passage à l’acte et remords, splendeur brute et chemins de nerf et de sang. Le tout dans l’obsédant parage de la mort, sur fond de guerre coloniale et d’effondrement de tous les édifices ontologiques.

Un temps pour tuer d’Ennio Flaiano
Traduit de l’italien par Georges Charbonnier et André Frédérique, Le Promeneur, 304 p., 24

À corps perdus Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°109 , janvier 2010.
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