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Domaine étranger L’enfant et le prophète

janvier 2010 | Le Matricule des Anges n°109 | par Thierry Cecille

C’est à un double voyage que nous invite Nedim Gürsel, vers son enfance et vers l’aube de l’Islam - un voyage ému et émerveillé.

Les Filles d’Allah

Les filles d’Allah se nomment Lat, Uzza et Manat, ce sont de puissantes déesses que l’on vénère à La Mecque, dans la kaaba, aux côtés de la mystérieuse météorite qui « auprès de Dieu était parfaitement pure » mais « devint toute noire sur Terre à cause des péchés des hommes ». Si on les prie de manière convenable, si les offrandes leur agréent, elles exaucent les vœux des humains, ces arabes qui croient en elles et aux dizaines d’autres idoles qui les environnent. Ces hommes sont à la fois superstitieux et jouisseurs, égoïstes et dévots. Ils admettent qu’Allah est le Dieu créateur et tout-puissant mais préfèrent s’adresser à ces intercesseurs, plus proches, plus bienveillants. Jusqu’à ce que ce que naisse Mahomet… Voici que cet orphelin se montre très vite différent des autres, il se détourne des déesses puis les insulte : c’est qu’Allah s’est adressé à lui, par la voix de l’ange Gabriel et que depuis les versets lui viennent, qui disent l’obéissance au Dieu qui « n’a pas engendré et n’a pas été engendré ». Il va devoir, durant de longues années, combattre son propre peuple pour imposer cette parole neuve, cette religion nouvelle, lui, le dernier des prophètes.
Ce sont de tels récits qu’écoutait avec respect et fascination le garçon auquel Nedim Gürsel s’adresse ici en lui disant « tu », celui qu’il fut, autrefois : par-delà les années, en effet, il essaie de retrouver son enfance, avec ses joies, sa foi et ses effrois. C’est ce que seule l’écriture peut permettre : « Les années se sont perdues dans le temps qui fuit, les uns ont perdu leur tête, les autres ont perdu leur bien-aimée ou leur fils, mais toi, tu n’as pas perdu cette fâcheuse habitude de conter des histoires ». Nous sommes à Manissa, durant les années 50, dans cette campagne égéenne que cultivèrent les Grecs avant que la guerre d’Indépendance ne les chasse. La Turquie encore principalement rurale est une république modérément démocratique, le président Menderes envoie ses soldats en Corée, pour plaire à l’allié américain et le communisme est « l’ennemi majeur ». L’enfant vit chez ses grands-parents, son père est mort, sa mère est partie en France où il finira par la rejoindre. La voix de la grand-mère le berce de cette sainte épopée de la conquête de Mahomet, dans cette langue arabe aux inflexions mystérieuses et enchanteresses : « Les sons s’insinuaient en toi, envahissaient ton esprit, mais gardaient leur secret. La voix se faisait murmure, devenait fine et rauque et, comme l’eau limoneuse du Gediz (…) elle demeurait opaque et impénétrable. » Le vendredi, « jour de dévotion », le garçon doit accompagner son grand-père à la mosquée, et la peur du châtiment, souvent, s’empare de lui : « Durant toute ton enfance, la notion de péché n’existait que dans tes terreurs, elle était absente de tes actes ». Il lui prend alors l’envie, parfois, de s’envoler avec les cigognes, « oiseaux pèlerins », jusqu’à La Mecque où il pourrait, à son tour, lapider le Diable.
Un sanctuaire de la mémoire sauvegardée.
Le grand-père, lui, est une figure superbe : homme de foi et de justice, il a perdu un bras dans une guerre dont il ne parle que rarement ce n’est qu’une fois adulte que son petit-fils découvrira, dans des carnets qu’il lui a légués, ce que furent ses épreuves. Il lui fallut, lui aussi, affronter ses frères, d’autres musulmans : il dut, dans les dernières années de l’Empire ottoman, aller combattre là-bas, dans le désert du Hedjaz et à Médine, les arabes qui s’étaient alliés aux Anglais, à ce maudit Lawrence qui leur avait tant promis. « Quand ton grand-père est mort tu trouvais que ce mot, » mort « , ne convenait pas. Tu te disais qu’un homme qui est revenu sain et sauf du Hedjaz devait être immortel » nul doute que cette œuvre, qui lui est dédiée, est un tombeau à sa mesure, le sanctuaire de la mémoire sauvegardée.

Les Filles d’Allah de Nedim Gürsel
Traduit du turc par Jean Descat, Seuil, 314 pages, 21,50

L’enfant et le prophète Par Thierry Cecille
Le Matricule des Anges n°109 , janvier 2010.
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