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Domaine français Cendres et brumes

février 2010 | Le Matricule des Anges n°110 | par Richard Blin

Explorant les effets de fantomisation qu’induisent les relations de la présence à l’absence, c’est dans les limbes de l’écrit que nous entraîne Richard Millet.

Le Sommeil sur les cendres

Brumes de Cimmérie

Publiés simultanément, les deux nouveaux livres de Richard Millet - Le Sommeil sur les cendres et Brumes de Cimmérie - croisent le vertical et l’horizontal, tout en témoignant des multiples interactions liant la dimension orientale de son œuvre et de sa vie à sa matière corrézienne. Deux récits hantés par l’origine et la fin, l’expérience noire de soi et le vertige des résurgences.
Deux récits d’errance dans ce qui est perdu, à commencer par l’enfance, celle qu’il a vécue de 6 à 14 ans, (1960-1967), dans un Liban encore préservé. Écrit l’été dernier au retour d’un séjour dans ce pays, Brumes de Cimmérie - dédié à sa mère morte peu avant - relate une expérience du temps aboli, une tentative de réappropriation de soi par ce qui n’est plus soi. Il dit la quête d’un lieu originel, avec jardins suspendus et balcons dans le ciel, poussière d’or et ruines. Un consentement à l’errance, à ce qui gît quelque part dans l’innocence du temps, au détour d’un paysage ou au plus profond des souterrains de l’être. Dans Beyrouth d’abord, en refaisant son trajet d’écolier, en déambulant dans la ville à l’affût de figures enfouies, d’ombres passagères, de voix qui se sont tues. Et puis avec la langue arabe qui lui revient « comme des odeurs d’enfance », c’est dans l’image secrète de la ville qu’il s’enfonce, fantôme de celui qu’il a été que guide l’involontaire mémoire qui « nous donne le sentiment d’appartenance sensorielle à un pays ».
Un voyage dans le temps, « autrement dit dans la langue, celle-ci étant une matérialisation singulière du temps », qui se poursuit à Byblos, devant les puits funéraires royaux, à Baalbek, Afqa, Jezzine où aboutissait un des tunnels d’adduction d’eau que creusait l’entreprise pour laquelle travaillait son père. Entre résurgences et permanences, c’est le Liban où il a été heureux qui est traqué dans un impossible dialogue avec le passé, dans une ambiguïté temporelle qui ne fait que réactiver le « sentiment d’être étranger à la vie », de vivre dans un interminable crépuscule que seule, l’écriture - lieu des conciliations impossibles - apaise parfois en offrant l’espoir d’une métamorphose.
Cette transaction entre l’invisible et le sonore, Le Sommeil sur les cendres en décline les effets d’ombre et de terreur. Sous un titre évoquant la nuit perpétuelle du pays des Cimmériens et ses antres dont Ovide disait qu’ils étaient la demeure du Sommeil, c’est à d’autres fantômes que nous sommes confrontés. À ceux des humiliés, des stigmatisés, comme on en trouve beaucoup dans l’œuvre de Richard Millet, de Jean Pythre à Pierre-Marie Lavolps en passant par Lucie Piale. Des figures de la souffrance, de la solitude absolue et de l’étrangeté de vivre. Des habitants de l’écart, de l’altérité, à l’image de l’héroïne, une jeune Libanaise chassée de son pays par la guerre de juillet 2006, et venue attendre à Siom, avec son neveu et sa nièce, que les choses se calment. Mais tout lui fait peur dans cette maison du Rat où elle se retrouve exilée et confrontée à des phénomènes aussi mystérieux que la nuit dans laquelle elle avance en aveugle, en proie aux affects errants d’une angoisse immaîtrisable dont le froid, la terreur, la rumeur voyageant dans son sang - des morts « parlant tous ensemble dans maintes langues » - et tout ce qui revient en effaçant la limite entre vie et mort, forment la toile de fond. Un récit tout entier du côté de l’ « indéfinissable », des intensités diaboliques nées de la conjonction du feu et de la « présence de minuit » (Mallarmé) mais porté par l’admirable musique d’un style alliant la beauté de son organisation rythmique au bruissement de l’origine et à l’art de faire entendre « ce qu’on ne saurait entendre vraiment » mais que la langue donne à deviner.

Le Sommeil sur les cendres et Brumes de Cimmérie de Richard Millet, Gallimard, 160 et 144 pages, 13,90 et 13,50

Cendres et brumes Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°110 , février 2010.
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