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Histoire littéraire Guerre de position

mars 2010 | Le Matricule des Anges n°111 | par Anthony Dufraisse

L' Echarde

D’abord, il y a le paysage du bush australien. Une immensité clairsemée, accablée de soleil. Une contrée qui cogne et qui colle, aux pistes interminables de poussière. « Une plaine aveuglante » où s’ébat « une multitude bêlante ». Paul Wenz (1869-1939) connaît jusqu’au fond de l’âme et des tripes cette terre où ne peuvent tenir que de solides gaillards. « Ils possèdent tous une philosophie de grands enfants, une mentalité faite de patience qui leur permet d’accepter ce qui arrive et d’attendre ce qui ne veut pas venir ». La motivation de ces hommes ne cède jamais devant la formidable monotonie des tâches fastidieuses qui sont les leurs et qu’ennoblissent le silence et la beauté sauvage. Nous sommes en Australie au tournant du XXe siècle. De ce monde des confins, Wenz, natif de Reims, est follement tombé amoureux au point de s’y installer dès 1892. La passion pour ce pays de celui qui fut un condisciple de Gide se retrouve dans le personnage de John Iredale, gentleman farmer à la tête de Tilfara, un domaine gigantesque qu’on ne parcourt qu’à dos de cheval. Cette exploitation qu’il tient de son pionnier de père l’occupe jour et nuit. La conduite des troupeaux et l’entretien des points d’eau rythment sa vie et celle de ses hommes. L’univers qui est le sien est peut-être austère et rude, mais là sont ses racines. Et sa raison d’être. Certes c’est un paradis aride, mais c’est son paradis.
Il y manque la part du Diable. C’est sous les traits de la troublante Susie qu’il se présente. Quand cette beauté irlandaise entre au service du boss, l’équilibre qui règne à Tilfara semble compromis. D’elle se dégage « l’impression vague de danger qui s’attache à un fusil chargé dans la maison ». Il fallait bien, un jour, que le coup parte. Susie aspire à autre chose qu’à la domesticité et sa discipline cache mal un être orgueilleux et bouillonnant. On sourit d’abord de ces relations confuses entre la gouvernante et le boss, des regards volés et des occasions manquées. Mais bientôt le livre s’assombrit. Wenz électrise l’atmosphère quand Susie dévoile son vrai visage. Folle éprise d’Iredale, elle s’apprête à déclarer sa flamme quand, sans prévenir, il s’en va convoler en noces. C’est là que commence vraiment le livre de Wenz. Dans cette humiliation. Débute alors une histoire de vengeance et de jalousie, une guerre de position à sens unique où John Iredale subit les assauts répétés de cette femme sans répliquer jamais. Indestructible, l’humiliation se transforme en rumination. En s’installant à proximité de son ancien employeur, Susie s’applique, comment dire les choses autrement, à lui pourrir la vie à travers toutes sortes de « machinations diaboliques ». Plusieurs fois vacillant, John Iredale se relève malgré tout, ne plie pas, endure : « Susie devenait pour lui une écharde avec sa douleur lancinante, sourde, énervante ».
Depuis toujours, les plus belles histoires d’amour s’écrivent avec des sentiments de possession ou, comme ici, de dépossession. Avec il faut bien le dire une certaine maestria, Paul Wenz nous fait donc le portrait d’un « démon de méchanceté », d’une femme obsédée, dévorée par son ressentiment, corps et âme habités par une haine d’autant plus vive que mêlée, toujours, d’attirance. La perversité grandissante de ses attaques nous la montre comme « une bête affamée ». L’histoire accomplie, il reste de tout cela la sensation qu’un orage a éclaté en plein cœur du désert. Reste, sous la plume de Wenz, la certitude que seul compte tout ce que les hommes ont conçu pour être heureux : le confort dans l’ombre fraîche d’une véranda, la présence de quelques êtres aimés et les longues chevauchées sous un soleil radieux.

L’Écharde de Paul Wenz
Zulma, 223 pages, 16,50

Guerre de position Par Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°111 , mars 2010.
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