La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Essais Sales et méchants

juillet 2010 | Le Matricule des Anges n°115 | par Gilles Magniont

L’historienne Déborah Cohen montre l’étrange proximité entre deux regards sur le peuple, l’Ancien Régime et le très contemporain.

La Nature du peuple : Les Formes de l’imaginaire social (XVIIIe - XXIe siècles)

Ils sont assez nombreux, les historiens et les sociologues à s’intéresser au « peuple », entité physique et fuyante. C’est bien entre ces deux adjectifs que Déborah Cohen construit son analyse. Depuis le XVIIIe siècle où le peuple est redéfini, recomposé dans les discours, qu’ils soient philosophiques, littéraires ou politiques, jusqu’à aujourd’hui, où il est à nouveau désigné et appréhendé comme une source de sourde violence, danger potentiel et forme limite de l’humanité, La Nature du peuple éclaire le présent par la lecture du passé. Il est vrai que l’essentiel des chapitres concerne le XVIIIe siècle, que l’auteur traque à travers des textes littéraires, philosophiques, archives policières… et que le XXIe n’a qu’une portion congrue ; il n’empêche, les points de liaison sont fulgurants et démontrent sans forcer la régression en marche, plus souvent désignée sous les noms de « réalisme » ou « pragmatisme ».
D’abord, rappelons-nous que le peuple n’a pas toujours été un « acteur social ». Lorsque le voyage commence, il est ce qu’il fut bien longtemps, le « point aveugle du discours », cohorte animale, sale et « naturelle » : « la pauvreté est conçue comme ayant une base naturelle et non une cause sociale : tout ce qui frappe la vue sous l’aspect de la misère relève d’une explication dans le biologique et le psychologique ». Puis le goût pour la philosophie sensualiste déplace le point de vue : de la masse (l’essence) on passe aux destins singuliers (l’expérience), à travers la mode des exempla qui glorifient le héros « sur fond de mépris » (ça ne vous rappelle rien ?) : « si l’on trouve des individus populaires généreux, courageux et moraux, (chose somme toute étrange mais que le goût de l’observation force à décrire), le fait n’est explicable au sein d’une théorie de la vertu comme pratique acquise, que si, du fond d’un environnement social qui aurait dû les préparer au vice, ils ont pu percevoir quelques bons exemples venus des élitesLa bonté du peuple reste justement d’habitude, d’impulsion, d’imitation servile, non de réflexion » (toujours pas ?).
Quoi qu’il en soit, les discours restent « fondamentalement conservateurs » : soit il s’agit de décrire la nature du peuple, soit il s’agit de décrire par contre-rejet la dignité des élites comme modèle. Et animal ou moral, ce peuple n’accédera au politique dans les discours qu’à l’intérieur d’une parenthèse qui commence à la Révolution. Las, cette parenthèse semble doucement se refermer, tant les conversations aujourd’hui s’hybrident d’anciennes visions naturalistes : « L’animalisation est le point extrême d’un mécanisme de sortie d’une logique de compréhension sociale. Aujourd’hui, une expression revient de manière particulièrement fréquente : on évoque les jeunes »issus de l’immigration« , c’est-à-dire des jeunes des classes populaires dont les familles ont, à une date plus ou moins récente, connu une trajectoire de migration. Ce faisant, on enferme ces jeunes (souvent, comme on sait, nés en France […]) dans une origine dont le caractère processuel, historique, est nié et transformé en une macule indélébile, converti en nature. » On n’a plus qu’à exhiber un slameur repenti et deux ou trois spécimens « non représentatifs » à la foire de la réussite, et le tour est joué. Pour le reste, on leur a donné une langue, genre poissard des temps nouveaux, des vêtements et des mœurs ad hoc : « Le rêve libéral veut continuer à croire aux possibles ( »si on veut, on peut« ) sans observer le réel qui les dément, de manière massive ». Mais ces temps-ci, le réel est obsolète.

La Nature du peuple. Les formes de l’imaginaire social (XVIIIe-XXIe siècles)
de Déborah Cohen
Champ Vallon, « La chose publique », 442 pages, 27

Sales et méchants Par Gilles Magniont
Le Matricule des Anges n°115 , juillet 2010.
LMDA papier n°115
6,50 
LMDA PDF n°115
4,00