Ben Okri – Booker Prize en 1991 pour La Route de la faim – a reçu de ses origines nigérianes et d’une éducation empreinte de littérature un sens aigu de la narration œuvrée par l’ellipse.
Les Contes de la liberté, recueil de nouvelles inédites en français, se déclinent autour de deux espaces. Le premier, « Destinée Comique », composé de quatre « livres », de douze à quatorze textes chacun, parfois de quelques lignes seulement, constitue à lui seul une pièce de théâtre absurde et tragi-comique – dans la veine d’un Ionesco –, travaillant au corps les espaces blancs d’une réalité refoulée, rejetée, fuie, envahissante… Qu’il s’agisse de Vieil Homme et son épouse – et leur résistance à mourir – ou d’un jeune couple déchiré, les quatorze saynètes sont autant de « petits endroits qui deviennent infectés, et de grands espaces qui basculent dans le chaos ». Chaque scène se lit comme un acte, truffé de ce qui pourrait constituer des indications scéniques, incorporées au texte sans jamais nuire à sa fluidité, et dans cette quête mal partagée – en écho à l’impossible communication entre les êtres – la présence d’un « Eden. Fermé pour travaux » renvoie chacun à son impuissance, sa solitude, ses rêves enfouis.
La quatrième de couverture annonce la parution avec ce recueil d’une « forme nouvelle et fascinante », appelée « stokus », réduction des deux mots « story » et « haikus ». Et l’on se dit que oui, cette première partie apporte une fraîcheur, une densité poétique captivantes et novatrices, une forme étonnante. Or, à la lecture – et par le biais d’une « note sur la forme » insérée en milieu de recueil –, il apparaît que les stokus seraient les textes de la deuxième partie de l’ouvrage, série de nouvelles, certes parfois puissamment poétiques (« Le Message », « L’Enfer doré »…) mais, pour la plupart d’entre elles, sans qu’on n’y trouve rien qui les distingue d’une forme classique. Et là, on reste perplexe.
Lucie Clair
Les Contes de la liberté
Ben Okri
Traduit de l’anglais par Jean Guiloineau
Christian Bourgois, « Titres », 164 pages, 6 €
Domaine étranger Contes de la liberté
octobre 2010 | Le Matricule des Anges n°117
| par
Lucie Clair
Un livre
Par
Lucie Clair
Le Matricule des Anges n°117
, octobre 2010.