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Égarés, oubliés Le cas du maladroit

octobre 2010 | Le Matricule des Anges n°117 | par Éric Dussert

A l’instar d’André Laurie, le communard Robert Caze n’a jamais manqué de talent ou de succès. Seule une mort précoce l’a condamné aux limbes où les lecteurs se risquent peu.

Martyre d’Annil (suivi de) Sortie d’Angele

La postérité de Robert Caze n’a toujours tenu qu’à un fil. Mort à 33 ans, et dans des circonstances que l’on ne peut s’empêcher de trouver idiotes, son nom se sera passé comme une relique de lettré à lecteur, et notamment de Léon Deffoux à André Breton qui recommanda sa lecture en 1931 au verso du Catalogue des publications surréalistes de la maison José Corti. Jamais réédité depuis 1886, Robert Caze méritait bien l’hommage que lui font René-Pierre Colin et Arnaud Bédat en rééditant l’un de ses romans les plus frappants, enrichi encore d’une longue nouvelle de même eau. Sur sa route, très similaire à celle de Paschal Grousset (André Laurie pour les lecteurs), dont il fut le secrétaire sous la Commune, Caze a empilé sur son chef les casquettes : écrivain, professeur, journaliste, poète, et communard, il n’aura eu que le tort de se fâcher à cause d’une assertion vile.
Né à Paris le 3 janvier 1853, puîné inattendu d’une famille bourgeoise, il connut « une jeunesse assez triste », entre un père « de bois » et une mère aimante qui ne put lui empêcher la pension et son lot d’avanies ammoniaquées à Sainte-Barbe-des-Champs (sic) à Fontenay-aux-Roses. Puis c’est le lycée Charlemagne et, le soir, la désormais fameuse institution Massin qui lui sert de home. Fameuse parce que s’y pressent de futures gloires, à commencer par Raoul Ponchon, Jean Richepin et le beau Georges Dazet, mieux connu sous les traits du « poulpe au regard de soie » chez Isidore Ducasse. Un peu plus tard, transféré au lycée Bonaparte (Condorcet), Caze participe à l’élaboration du journal La Jeunesse (1868-1869) avec John Grand-Carteret, Raoul Vast et Alfred Sircos, autre dédicataire de Ducasse, qui devait probablement traîner là ses guêtres lui aussi. Homonculus, un poème, vaut à Caze un premier succès d’estime. Il signe alors Robert Nemo et ne manque pas d’allant, voire de gourmandise, même si sa rhétorique est encore conventionnelle. Cette entrée dans la carrière des lettres le désigne à la presse. Co-fondateur de revues littéraires, telle La Joute, il entre en aire politique et collabore à la presse d’opinion. Ses papiers paraissent à La Tribune du peuple, au Démocrate et au Réveil. Puis vient la Commune et l’exil en Suisse, où le chroniqueur finit par exaspérer les cléricaux.

Soucieux des destins populaires, notamment féminin.

Habitué du « grenier » des Goncourt, Robert Caze tient salon après son retour à Paris en août 1880. Il reçoit tous les écrivains importants, les peintres impressionnistes, il a toutes les cartes en main pour s’établir grand écrivain. Sa plume était d’ailleurs plus audacieuse depuis Les Poèmes de la Chair (1873). En témoignent Les Mots (Impr. Trézenik, 1886), par exemple, ce recueil où les formes grammaticales sont traitées en sujets. Et en tant que romancier, Caze s’était montré brillant, profondément soucieux des destins populaires, notamment féminin. Naturaliste en somme. Et En Journée (Impr. Trézenik) imprimé à onze seulement, dans un tirage de chapelle destiné aux amis (les frères Goncourt, Jean Ajalbert et Huysmans notamment), devrait être rendue aux lecteurs elle aussi. Cette nouvelle, typique de la belle plume de Caze, vaut qu’on s’y penche. Cette veine est du reste la raison qui le fit retenir par André Breton, qui ne pouvait souffrir un Alphonse Daudet jugé trop bourgeois. Robert Caze, l’auteur des Hymnes à la vie (Tresse & Stock, 1886), aimait la vie, en effet, et Le Martyre d’Annil qui fait le récit de l’émergence de l’ennui dans le couple bourgeois, ou La Sortie d’Angèle, novella qui serre la gorge et qui bouleverse en décrivant la vie pitoyable des pensionnaires de maisons closes, en sont les parfaits témoins.
Outre qu’il était le père d’un (futur) cambrioleur et bagnard – à l’instar de Mécislas Golberg –, le drame de Robert Caze fut de s’être montré ombrageux sur la question de sa vie intime et sans doute aussi trop orgueilleux. Le 17 octobre 1885, un articulet de Félicien Champsaur mit le feu aux poudres via le supplément littéraire du Figaro : l’auteur de Dinah Samuel (1882 ; Séguier, 1999) y dévoilait malveillamment que Robert Caze villégiaturait à Londres avec sa maîtresse, après avoir asséné – comme l’avait assommé Maurice Barrès – que ses écrits le plaçait en simple imitateur de Huysmans. Une rencontre des deux hommes au Café Américain s’effilocha en altercation durant laquelle Champsaur donna de la canne à son offensé. Puis le grand espoir littéraire de l’époque, Charles Vignier, conta l’événement sous le titre de « Et M. Champsaur rossa M. Caze » dans la Revue Moderniste. Echange de témoins, rendez-vous sur le pré : le 15 février 1886, dès le second croisement des armes, Robert Caze s’embrocha maladroitement sur l’épée de Vignier. Touché au foie, il agonisa longtemps avant d’expirer le 28 mars 1886. Bien plus tard, Charles Vignier, grand oublié désormais, eut tout de même droit à son portrait de collectionneur d’art extrême-oriental dans Les Hommes d’Aujourd’hui sous la plume de Félix Fénéon. Curieusement, c’est ce dernier qui est resté dans les esprits, ironie que la lecture de La Sortie d’Angèle devrait nettement atténuer en replaçant Caze auprès de Zola et de Maupassant qu’on l’imaginait pouvoir remplacer…

Éric Dussert

Le Martyre d’Annil (suivi de) La Sortie d’Angèle
Robert Caze
Édition établie et présentée par Arnaud Bédat et René-Pierre Colin
Éditions du Lérot et Société jurasienne d’Émulation, 272 pages, 30

Le cas du maladroit Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°117 , octobre 2010.
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