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Intemporels Gris paradis

mars 2011 | Le Matricule des Anges n°121 | par Didier Garcia

Confusion des peines présente l’odyssée d’un gamin (Julien Blanc lui-même) de l’orphelinat à Fresnes. Une confession sincère.

Confusion des peines

Premier volet d’une trilogie autobiographique intitulée Seule, la vie… (dont les deux autres volumes sont annoncés à paraître chez le même éditeur), Confusion des peines s’ouvre sur l’évocation de la mère (du père, nous n’en saurons pas plus que l’auteur : à sa naissance, il était mort depuis quelques mois). À ses yeux d’enfant, sa mère, avec son « regard de ciel », incarne une sorte de paradis. Près d’elle, il oublie tout. Mais dans la vie de Julien Blanc (1908-1951), les bonheurs sont de courte durée. Il a 8 ans quand il la perd. Malgré son jeune âge, il comprend que son regard ne l’enveloppera jamais « plus de sa lumière comme le soleil la terre ». Sa détresse est immense. Pour lui, commence alors une autre vie. Il va d’abord connaître les orphelinats, où il va découvrir les sœurs, les humiliations, le pain sec et le cachot (où, faute de mieux, il sera contraint de se nourrir de ses propres excréments). Entre ces murs sinistres, « la vie était absurde », se contente d’écrire Julien Blanc. Puis ce sont les familles d’accueil. Parfois, la vie semble lui sourire un peu, mais le plus souvent c’est dans un monde impitoyable qu’il se trouve projeté, un monde où toute maladresse devient une faute et où toute faute doit être punie, tantôt par des coups, tantôt par des privations de repas. Le voilà désormais dans des fermes, où il s’ennuie quand il n’y a pas de jeunes filles auprès desquelles se consoler d’une telle infortune (car son rêve à lui c’est d’apprendre à jouer du piano – une manière comme une autre pour retrouver sa maman, qui était pianiste –, et d’entrer dans un lycée à Paris pour passer son bachot). À 15 ans, c’est l’âge du « patronage », l’équivalent de notre apprentissage aujourd’hui. Pour de menus larcins (du simple vol à la désertion), ce blanc-bec va bientôt connaître l’univers carcéral, copie plus ou moins conforme du pénitencier qu’il a fréquenté plus jeune. Dans les dernières pages du volume, il se trouve à Fresnes, purgeant une peine de plusieurs mois.

« Crachez d’abord votre vie ».

Dans l’univers qui est le sien, difficile de savoir à quel saint se vouer. Les prêtres sont de vraies brutes, quand ils n’ont pas des inclinations plus coupables (pédophiles par exemple). Les sœurs sont aigries, d’une intolérance peu chrétienne, et promptes à la sanction. Les surveillants se montrent capables de toutes les abjections. Quant aux autres enfants, qui partagent son sort peu enviable, ils sont ce qu’ils sont, autrement dit des enfants, capables du meilleur comme du pire. Le plus sage est encore de compter sur soi-même ou de tisser une belle amitié (de loin la meilleure arme contre tant d’adversité).
Nous aurons bien, çà et là, quelques trouées de bonheur pur (tous les bonheurs sont ici magnifiés), comme le premier baiser, avec sa « saveur de miel », quelques heures d’amitié ou d’amour, grâce auxquelles il oublie son passé honteux, qu’il traîne « comme un boulet d’ignominie ». Mais dans l’ensemble, c’est une enfance qu’il ne faut souhaiter à personne. Une enfance que Jean Paulhan l’avait incité à coucher par écrit : « vous avez tort de vous obstiner à écrire des œuvres d’imagination. Crachez d’abord votre vie, vous reviendrez au roman plus tard. »
Cet enfant terrible, qui n’en fait jamais qu’à sa tête, est terriblement attachant. Pour son âge, il en sait long sur la nature humaine. Il sait par exemple que les meilleures façons ne font pas les meilleures intentions, et qu’un sourire de façade peut dissimuler des pensées perfides. Mais cette maturité étonnante est vite contrariée par des élans naturels qui le poussent invariablement à sa perte : rencontre-t-il sur sa drôle de route quelque homme gentil, désireux de faire son bien, et voici qu’il le vole ou qu’il fugue, comme s’il lui fallait se saborder par fidélité envers son passé. Il ne peut s’adapter nulle part, tenir une place plus de huit jours, même si elle est en or. Sa vraie religion, c’est l’instinct, auquel il cède les pleins pouvoirs. L’instinct, comme seule justification de ses actes.
On ne saurait dire à quel point ce premier volume est triste. Mais Julien Blanc n’y donne jamais dans le pathos. Pas de plainte ici, pas de jérémiades. Pas de révolte non plus. Loin de lui le désir de se trouver des excuses ou que l’on s’apitoie sur son sort. Du coup, ces pages sont belles, simples, pleines de ce naturel si cher à l’enfance (encore assoiffée de vie, même en les circonstances les plus rudes), et frappées du sceau de l’authenticité.
Dans un article donné aux Nouvelles littéraires en 1967 (Confusion des peines avait paru en 1943), Marc Bernard présentait le deuxième volume de cette autobiographie aux côtés de Siloé de Gadenne, Les Poulpes de Guérin et Le Bonheur des tristes de Dietrich… Ce qu’il proposait au lecteur, avec ces quatre titres qu’il repêchait déjà dans les eaux de l’oubli, c’était « un plaisir, une découverte, un enrichissement, c’est-à-dire ce qui compte seul, et non pas livres “qu’il faut avoir lus” ». Cette Confusion des peines peut elle aussi enchanter.

Didier Garcia

Confusion des peines
Julien Blanc
Finitude, 256 pages, 20

Gris paradis Par Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°121 , mars 2011.
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