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Domaine étranger Vieux cahors

mai 2011 | Le Matricule des Anges n°123 | par Dominique Aussenac

En un récit agreste, métaphysique, charnel, le poète William S. Merwin enlumine la fuite du temps.

Les Dernières vendanges de Merle

Dans L’Apiculteur, film du cinéaste Théo Angelopoulos, Marcello Mastroianni remonte le cours de sa vie. Transportant ses abeilles dans une fourgonnette, il poursuit à travers la Grèce la route des fleurs. Pareillement, Merle, hôtelier, marchand de vins veuf et septuagénaire effectue ses dernières tournées sur le Causse quercynois. Héritier d’un savoir-faire, d’un goût, d’une civilisation en voie de disparition, à qui va-t-il pouvoir transmettre son négoce ?
En une sorte de road movie tendre, pathétique, la camionnette sillonne les coteaux, du nectar brinquebalant dans ses tonneaux, Merwin dresse une galerie de personnages attachants, décalés, témoignant de la transition d’un passé à une modernité, d’un monde à un autre. Côté gauche, un curé atteint d’une maladie de peau, des artisans travaillant à l’ancienne, des chômeurs plus ou moins braconniers, un professeur de musique désargenté soldant de précieux ouvrages, de vieux garçons alcooliques toujours à la recherche de l’âme sœur… Côté droit, des étrangers, nantis, artistes ayant choisi de s’installer dans le Lot pour la qualité de vie, le riche patrimoine. Ces êtres se côtoient sans s’opposer. La plume de Merwin passe des uns aux autres surlignant humanité, ombres et lumières. Ni nostalgique, ni apeurée par le futur, plutôt sereinement mélancolique, elle inocule une dimension de présent fragile, mais arrivé à maturité, développant des arômes de fruits mûrs, réglisse, vieux cuirs. Qu’est-ce qui pousse Merle à partir de nuit, accompagné d’un curé, à travers ronces et broussailles, en quête d’une source miraculeuse ? La honte d’être vu avec un ecclésiastique, d’antiques pratiques païennes, le plaisir de l’aventure, des souvenirs d’enfance ?
Les lieux, les paysages, mais surtout les demeures ; châteaux, fermes, presbytère, granges, pigeonniers paraissent enchantés. D’eux émanent d’étranges forces telluriques. La nuit, le fantastique opère. La lutte millénaire du Bien et du Mal dans l’ombre contrastée des pierres, le glougloutement d’un ruisseau, le chant d’un oiseau, la présence furtive d’un animal s’emballe. Il n’y aura évidemment ni gagnant, ni perdant. Mais un souffle puissant traversant les hommes, les temps, amenant de nouveaux degrés de perception, de sensibilité, des ivresses, de la transe. Comme un au-delà à l’anxiété, l’effroi, la petitesse. Souffle que l’on peut retrouver chez l’Italien Sergio Ferrero (1926-2008), le Polonais Gustaw Herling (1919-2000) ou encore le Languedocien Max Rouquette (1908-2005), qui font partie des dernières générations d’écrivains baignés de culture gréco-latine et ébranlés par les conflits mondiaux.
« - On reconnaît le goût du terroir d’où il vient, dit-il. Ce coteau particulier.
Ils se passaient et repassaient le gobelet.

 Combien d’années ? demanda le prêtre.

 Il a un autre goût dans l’obscurité, dit Merle. Un goût de quoi ? »
William S. Merwin est né à New York en 1927. Sa rencontre à 18 ans avec Ezra Pound déterminera sa vocation de poète. Pound lui recommandera de s’ouvrir aux autres, de traduire avant d’écrire, de s’orienter vers la poésie des troubadours et celle de Dante. Deux fois lauréat (1971, 2009) du prix Pulitzer de poésie, Merwin n’aura de cesse de souligner le double héritage de l’art lyrique occitan du XIIe et XIIIe siècles. Avec d’un côté, la poésie arabe du IXe siècle, en partie influencée par les Grecs, et la poésie arthurienne celte. Auteur d’une trentaine de recueils de poèmes, très peu traduits en France, Merwin signe ici le troisième ouvrage d’une trilogie comprenant, chez le même éditeur, La Renarde (poèmes) et Les Fleurs de Mai de Ventadour (carnet de voyage autour de l’amour courtois et de la figure de Bernard de Ventadour). A boire sans décanter.

Dominique Aussenac

Les Dernières vendanges de Merle
William S. Merwin
Traduit de l’américain par Luc de Goustine
Fanlac, 225 pages, 19

Vieux cahors Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°123 , mai 2011.
LMDA papier n°123
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