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Domaine français Harmonies secrètes

janvier 2013 | Le Matricule des Anges n°139 | par Richard Blin

Lire Gabrielle Wittkop, c’est retrouver la beauté d’une écriture puisant sa sève dans la plus obscure des nuits pour mieux célébrer les ruses du destin.

Les Départs exemplaires

Elle alliait la pensée la plus libre au goût le plus raffiné, préférait les tigres aux enfants, dessinait comme jadis et trouvait les morts plus calmes que les vivants. Un sens de l’insoumission sensible et de l’altérité que Gabrielle Wittkop, née à Nantes, en 1920, a mis au service d’une écriture mariant l’élégance classique à la jubilation d’une langue gorgée de sucs. Très jeune, elle lut d’Alembert, Diderot, Sade, apprit le latin, le grec, l’allemand, l’anglais, l’italien, avant d’épouser un déserteur de l’armée allemande – un homosexuel qu’elle avait caché durant la dernière guerre – et d’aller vivre à Francfort, où elle se suicida en 2002. Après Le Nécrophile, La Mort de C., Le Sommeil de la raison, La Marchande d’enfants ou Chaque jour est un arbre qui tombe, les éditions Verticales nous proposent aujourd’hui une version augmentée des Départs exemplaires (1995).
Sous ce titre sont regroupées cinq nouvelles, dont deux inédites, « Les derniers secrets de Mr.T. » – l’histoire d’un homme dont la vie aventureuse aura été guidée par la quête inconsciente du lieu auquel, mystérieusement, il se sentait appartenir –, et « Claude et Hippolyte ou L’inadmissible histoire du feu turquois », l’évocation d’un « phénomène inouï dont néanmoins l’histoire demeure encore secrète », celle de jumeaux hermaphrodites à l’angélique monstruosité et au narcissisme effréné dont Gabrielle Wittkop ne nous cache rien.
Des nouvelles qu’irrigue la lumière noire du mystère et qui sont agencées avec l’infaillibilité du chasseur qui sait parfaitement où et comment tendre ses pièges. « C’est en dansant aveuglément la Danse macabre que nous cheminons vers notre perte », comme Miss Idalia, dont les 17 ans ne résisteront pas à l’appel d’un vieux burg de la vallée du Rhin, ou comme cet écrivain – en qui on reconnaît Edgar Allan Poe – errant dans Baltimore en proie au vertigineux délire de ses hallucinations.
Des nouvelles mues par la spirale de l’inexorable, comme dans « Une descente », un texte contant la déréliction d’un homme qui, cédant à la magie funèbre d’une « rotule sèche », entame une lente descente aux enfers dans les entrailles du chauffage urbain de New York, un lent retour à la nuit d’une sorte de ventre maternel aussi enveloppant que tombal.
Cinq départs exemplaires vers le pire et la mort, cinq nouvelles admirablement servies par une compréhension – elle aussi exemplaire – des ruses, des ressorts et des patiences du destin. Magnifiées aussi par une écriture toute en sensations, perceptions et sentiments secrets, et s’adressant prioritairement aux sens. « Une buée montait des aisselles, des gueules, des pieds, des lainages, du drap d’antiques redingotes, des feutres au ruban moiré par les pluies ; elle s’exhalait des bonnets de ragondin dont la queue balayait une neige de pellicules sur des vestes effrangées ; elle sourdait des chapeaux de toile boutonnés sur le côté… ». Qu’elle évoque la sensualité des chaussures – « C’était des laçages fantaisie et des boucles ornementales, de coquets papillons de peau, des bouquets de chagrin, des doublures révélant l’intérieur de leurs lèvres, des galbes et de lisses chutes au grain soyeux, des rondeurs satinées, des plissages aussi et l’arc mystérieux de la cambrure, pont asymétrique menant de la plante au talon… » – ou même le murmure des sèves « circulant au plus profond des racines », c’est encore et toujours avec ce sens de la délectation et de la somptuosité qui est au fondement même du charme vénéneux des écrits de Gabrielle Wittkop.

Richard Blin

Les Départs exemplaires
Gabrielle Witkop
Verticales, 232 pages, 17,90

Harmonies secrètes Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°139 , janvier 2013.
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