La Bosse du géranium : Autobiographie de Stéphane Schoebel à la troisième personne
Le bossu de Notre-Dame n’a qu’à bien se tenir. Il a un sérieux concurrent en la personne de Stéphane Schoebel. Lui aussi pourrait dire : « touchez ma bosse, monseigneur ». La sienne, de bosse, n’est pas située au même endroit que celle de la créature hugolienne ; elle se trouve « à l’arrière du crâne, juste à côté de celle des maths ». La bosse du géranium, elle s’appelle. À ne pas confondre avec la « bosse du rhododendron, qui n’a absolument rien à voir ». Ce Schoebel vous paraît bizarre ? Il l’est. Et son autobiographie, car c’est de cela qu’il s’agit ici, ne saurait être qu’à son image : farfelue. Du reste, en ouverture, une note nous avertit de l’irréalisme du récit : « Merci de ne pas y prêter attention et de vous laisser emporter par le souffle picaresque qui le traverse de part en part ». Si on respecte à la lettre cette recommandation, c’est vite réjouissant, Thomas Baumgartner, producteur à France Culture, excellant dans le genre allumé et pince-sans-rire. Son personnage, Schoebel, roule donc sa bosse à travers une existence que sa graphomanie le pousse à mettre en mots dans un de ses « 32 569 cahiers de 96 pages chacun ». Des extraits nous permettent de cerner un peu mieux ce bonhomme plus flou que fou ; « historien de l’intime », « scientifique singulier » ou « sociologue sauvage », il est tout cela à la fois. Surtout, c’est un mélancolique qui se soigne entre deux « sautes chronologiques et géographiques », comme on dirait sautes d’humeur. Sur fond de zigzag narratif, on le retrouve à siroter des Martini en pensant à des « histoires d’ex » ou dans la peau d’un conférencier se livrant à des interventions fleuve dignes des plus sidérantes performances de l’art contemporain. Et encore, ce n’est là qu’un aperçu de la vie de ce drôle de zig, qui a tout du gag ambulant. C’est un genre de Mr Bean évoluant dans un théâtre de l’absurde. Ou plutôt c’est Dada réincarné, tendance caméléon. S’il avait eu la bosse des maths, ce Schoebel aurait sans doute été bien moins marrant.
Anthony Dufraisse
La bosse du géranium
Thomas Baumgartner
Hermann, 98 pages, 16 €