Charles Juliet, dans la clarté
La parution espacée de chacun des volumes du Journal de Charles Juliet est l’occasion pour ses lecteurs d’appréhender son évolution. Dans le temps long qu’est celui de « l’aventure de la quête intérieure », la relation qu’ils ont nouée avec lui entre souvent en résonance avec leur questionnement sur leur propre existence, leur besoin de clarification. Ayant connu une publication tardive en 1978 – grâce à la confiance de Paul Otchakovsky-Laurens – avec le premier tome (plus tard connu sous le titre Ténèbres en terre froide, couvrant les années 1957-1964), le Journal est désormais à sa septième livraison. Comme il est depuis longtemps d’usage,
Il s’accompagne d’un titre, Apaisement, caractérisant la sensibilité qui s’exprime dans cet intervalle d’un parcours d’homme et d’écrivain.
Rien d’absolument nouveau sous l’étoile qui depuis les débuts éclaire Charles Juliet, lui permet de s’orienter. L’écriture y est toujours sobre, dénuée de prouesses stylistiques, soucieuse de servir le propos avec rigueur et clarté : « L’écriture fait partie intégrante de mon aventure intérieure. Au point qu’elles sont en moi confondues. Mon journal m’a permis de réaliser une autoanalyse, de résigner mon moi et de m’engager dans la recherche du soi – un soi si difficile à atteindre. » L’agnostique « ancré dans l’essence de la vie », engagé dans une quête spirituelle sans Dieu, en assume la part de « sacré », celui qui « réside en notre for intérieur, là où nous œuvrons à nous connaître, là où nous aspirons à vivre le beau, le bien, l’illimité ». Cet impératif de connaissance et de clarification est-il largement partagé ? « J’ai longtemps commis l’erreur de croire que tout artiste, tout intellectuel, toute personne ayant eu accès à la culture, vivait obligatoirement l’aventure de la quête de soi. Je me trompais grandement. (…) À l’opposé, on peut la vivre avec beaucoup de rigueur en n’ayant aucune culture, aucune capacité intellectuelle particulière. (…) Seul vit cette expérience celui qui en éprouve l’exorbitante nécessité. »
Un tel constat caractérise l’évolution d’un écrivain qui ne redoute plus de vaciller sur le « socle » qu’il a désormais rallié. La même lucidité qui s’exerce sur soi peut s’appliquer au monde extérieur, aux êtres qui le peuplent, aux forces invisibles qui l’animent. Certaines des œuvres longtemps admirées, qui ont été des guides ou des compagnons de route doivent, après relecture attentive, être réévaluées, non quelquefois sans un déchirement. C’est le cas lorsque reprenant, en vue d’une conférence dans le cadre d’un hommage collectif, les livres de Michel Leiris – un écrivain qui a tant compté pour lui autrefois, qui l’a soutenu et aidé – il réalise combien son regard a changé : « (…) ce qui naguère m’avait passionné ne me passionnait plus. Qu’allais-je faire ? Écrire un texte de circonstance en faisant l’éloge des qualités d’écriture de cette œuvre ? Ou bien raconter ma déception ? » C’est cette...