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Poésie Pelle mêle de neige

janvier 2014 | Le Matricule des Anges n°149 | par Emmanuel Laugier

Fondateur de la galerie lyonnaise Ollave, Jean de Breyne publie une suite finlandaise où chaque poème devient un arrêt sur image vif et secret.

Un janvier : Les poèmes de Koppelo

Le nouveau livre de Jean de Breyne, dont on apprend que janvier fut un mois passé à Koppelo (Finlande), porte bien sûr les traces de ce séjour. Il en est même le récit, le relevé patient. Dirait-on que la douceur l’accompagne, ce ne serait pas seulement juste mais aussi une caractéristique remarquable de son écriture. Celle-ci, en effet, n’a rien d’ostentatoire. Elle est aussi discrète qu’elle est une glissade lente de vers où le monde des sensations vient à nous presque naturellement, malgré leur enchâssement fait de multiples ruptures de tons ou de sens. Cette façon d’aller, pareil au traîneau filant en silence dans ses ornières glacées, ne pouvait pas moins correspondre au feutre qui enveloppe ce pays, du moins tel qu’il apparaît dans Un janvier, et ce dès les premières pages : « Profondément noire / Est la route du matin / Sauf le blanc éclairé / Et moi je vois le lac / Vaste écharpe de neige/ A l’heure des yeux neufs / aux bords et / Derrière les verticales noires / Des troncs nus C’est ensuite / Au devant des plages bleues / D’après les midis et / Quelques heures/ Avant à nouveau la nuit / La route nous ayant reconduits ».
La description qu’opère le poème est toujours sobre, elle ne force pas ce qui se montre au regard, mais l’expose sans presque aucun ajout, au ras de sa visibilité. Ainsi se succèdent de petits tableaux impressionnistes, parfois apparaissent des poèmes d’aplats presque abstraits (« Le noir / Puis le bleu dans les blancs / Et plantés milliers de verticales noires / Je vois peu encore seul / Pendant qu’on parle déjà / Et questionne / Je suis des deux côtés de la vitre »), le dehors et le dedans (dans la proximité de Nicolas Bouvier) s’y inversent, selon que le sujet s’énonce ou semble s’absenter devant le pays ; mais ils ne cessent à la fin de s’interpénétrer comme dans ce micro-récit : « Le silence des automobiles qui roulent / Leur dolence / Les moteurs étouffés à l’arrêt / Nous sommes dans les bois / Encerclés par les rivières / Et les lacs gelés tant / A les parcourir au-dessus de l’eau / Et les hommes vous proposent / Qui vous savent / J’ai du temps encore pour répondre à cette question inquiète / Du poème / Le temps du temps qui coule / Et (se) transforme ».
On ne saura pas ce que proposent ces hommes, ni ce qu’ils savent. Et s’il se peut que l’on imagine des réponses, le poème, qui est bloc de temps multiples travaillant à même ses lacunes, ses blancs, continue à interroger ce qu’il concentre d’une simple scène de vie ordinaire. Jean de Breyne passe au cadre d’une caméra subjective, du travelling lent au panoramique : « Là-bas à l’est en pointe d’une large / Horizontale fuyante et mauve / Une ligne rouge heureusement brisée / Au-dessus des masses noires de la terre ». Les étendues alternent au carreau d’un bus : parfois surgit au coude d’un vers « La route en ligne rose électrique » ; à d’autres moments « janvier le long trait orange / S’épuise à ses deux extrémités » : il devient un plan simple où tracer les deux bornes de son existence.
L’autre moment admirable de ce livre tient à l’émergence de temps vacant où le narrateur, par moins 18°C, derrière la fenêtre, prend un livre, le coude plié (« Et chercher quoi »), lit et tisse, en cette longue nuit, les fils d’une mémoire où s’enchevêtre celle des vaincus de l’Histoire : « Et je pose à nouveau le haut du front / Sur les doigts de ma main / Après avoir recouvert les fenêtres / Bien sûr s’il ne nous survient rien (…) / Du foyer inexistant qui fut / Et cela qu’est-ce que ces blessures / Quand tu as lu les journaux / Sans cacher leurs pages et / Quand tu as voyagé jusqu’aux ghettos / Et touché la pierre des bâtiments de tortures / Et frôlé le regard hagard des libérés / Si nous en avons bien pleuré des jours / Il ne nous est rien arrivé à nous d’irréparable ».

Emmanuel Laugier

Un janvier : «  Les poèmes de Koppelo »
Jean de Breyne
Propos 2 éditions, 101 pages, 15

Pelle mêle de neige Par Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°149 , janvier 2014.
LMDA PDF n°149
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