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Poésie La ferveur et l’excès

mai 2014 | Le Matricule des Anges n°153 | par Richard Blin

Avec deux nouveaux livres et une monographie consacrée à l’œuvre d’Ernest Pignon-Ernest, André Velter explore trois façons de saisir en chaque instant l’absolu qui l’illumine.

Jusqu’au bout de la route

Tant de soleils dans le sang

Ernest Pignon-Ernest

Parfois féroce et tendre, parfois rauque et mélodieuse, la poésie d’André Velter alterne les rythmes et les allures, rapproche l’oreille du cœur, allie le viscéral au vocal. Poésie incarnée, qui marie la participation émotionnelle à un besoin constant d’âpreté sauvage, comme en témoignent deux livres inaugurant un genre nouveau, le livre-récital. L’un, Jusqu’au bout de la route, écrit dans l’écho des improvisations du violoncelle de Gaspar Claus, l’autre, Tant de soleils dans le sang (dont une première version accompagnée d’un DVD était parue en 2008, aux éditions de l’Alphabet de l’espace) composé dans la résonance des musiques de Pedro Soler, et l’esprit du cante jondo, le chant profond de la plus haute tradition du flamenco.
Un chant d’énergie fauve que ce dernier ouvrage tout imprégné de l’âme de la vieille terre andalouse où se sont mêlées toutes les cultures méditerranéennes. Des poèmes où sont chantés l’absence blessée, les destins cambrés, la bravoure des toros et des toreros. Des chants où la guitare flamenca « avance tendrement vers ce qui l’ensauvage », saigne avec la mort qui monte au refrain, ou se confie « à tous les ciels de la terre » quand elle appelle « une femme ou un cheval, / pour un baiser, pour un galop, pour une flamme ». Une poésie limpide, se coulant dans des mots qui nous parlent immédiatement : le jour, la nuit, le soleil, la lune, l’ombre et la lumière, la braise et le sang, l’amour, la mort, l’élan, les traces et la mémoire. Des mots dont le sens s’impose à tous, dont le lecteur sait le feu, peut partager le poids. Ce sont ceux de Villon, de Garcia Lorca, de Pasolini, de Mandelstam, de Segalen ou de Cendrars, tous aventuriers du verbe incarné, poètes qui n’acceptèrent jamais d’obéir aux diktats de ceux qui s’arrogent le droit de régenter nos vies.
Nomade de cœur et d’esprit, André Velter a fait du partir une hygiène et une morale. Une façon aussi d’aller en « ne suivant que ce qui s’improvise plus avant // Définitivement plus avant / jusqu’au bout de la route ». D’où le titre donné à l’autre livre-récital, un livre où la route, la poésie et la vie se font escorte et qu’il dit avoir écrit « à l’oreille, avec la couleur de tous les sons qui me hantent d’Andalousie en Inde et du Tibet au Japon ». Un livre venu dans le sillage ou le souvenir des pays traversés, dans le souffle de la partance, dans l’évidence de la mélodie de l’univers, de ce grand rythme par quoi tout ce qui a été et tout ce qui est appelé à être se fait source d’exaltation, poème polyphonique, poursuite – par les voies du dénuement et de l’amour – d’une même expérience poétique.
C’est donc un rythme qui appareille, porté par un goût d’absolu ne renonçant « à aucune amplitude, aucune plénitude, aucun verbe souverain ». Le poème est cette voix qui emporte, cette combustion verbale qui met « l’âme en sang », apparie force d’ébranlement et vibration solaire. Une faim de communion avec les solitudes minérales, la magie régénératrice des hautes terres et leur mélange provocant d’élémentaire et de sacré. Ces « commotions de soleils, d’amours et de poussières - / tout ce charroi de saisons, d’équipées, d’écritures », Velter les porte à un degré de sensibilité lumineuse qui ressuscite la fonction orphique de la poésie.
Cette parole solaire ne pouvait que conduire Ernest Pignon-Ernest et André Velter à se rencontrer. C’était en 1991. Depuis, les dessins du premier ont accompagné des livres du second – Zingaro suite équestre (2005), Extases (2008) et les poèmes-tracts qui forment l’épilogue de Tant de soleils dans le sang. Aujourd’hui Velter signe la monographie qui retrace l’ensemble du parcours de celui qui a fait de la rue le lieu même d’un art éphémère. Avec ses armes graphiques – ses dessins, ses images placardés sans autorisation sur les murs ou les façades – il la révèle à elle-même, en exalte l’histoire ou les souvenirs enfouis. Des parcours d’images dont chacun peut ressentir le pouvoir d’effraction en voyant, par exemple, l’image de Rimbaud, celle de Pasolini, de Mahmoud Darwich ou celles inspirées par Genet ou Desnos. Ou encore celles, inscrites dans l’élan de la peinture caravagesque, qui ont régulièrement investi les rues de Naples, soulignant sa part ténébreuse et sa sombre volupté. Plus récemment, c’est aux postures, entre perdition et ravissement, des saintes embrasées qu’il s’est consacré. Une œuvre qui aime se confronter aux grands maîtres du dessin pour le célébrer, ce dessin, si méprisé aujourd’hui sans doute parce qu’il a « la fâcheuse tendance d’exiger un minimum de talent ». Une œuvre qui fait de l’ombre la condition indispensable à l’apparition de la beauté, qui est l’autre versant de l’évidence poétique.

Richard Blin

André Velter
Jusqu’au bout de la route
Gallimard, 160 p., 15,50
Tant de soleils dans le sang
Gallimard, 128 p., 14,90
Ernest Pignon-Ernest
Gallimard, 360 p., 500 illustrations, 50

La ferveur et l’excès Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°153 , mai 2014.
LMDA PDF n°153
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