Terrines de foie au porto suivies de filets mignons aux morilles et un bavarois aux fruits rouges pour terminer : « Un repas qui réchauffe le cœur et l’esprit de la tribu. » Eh oui, c’est la fête chez les Lemorand. Et pour la mère, le monde est là : une vraie famille aimante, unie, joyeuse. Avec Victor le père, travailleur, fatigué donc, qui se décarcasse pour le bien de tous et astique la maison pour que ça brille. Et puis Gabriel et Justine, les ados, attentionnés, serviables, polis. Et puis la mère bien sûr, soumise, efficace, la véritable gardienne du foyer. Un rêve de famille française, quoi. Mais il manque Amélie, l’autre fille. Elle, on n’en parle pas. Partie, avec un homme, dans une autre famille aimante. Mais Victor a été licencié : il piquait dans la caisse. Il cache sa honte en tournant sur les parkings, quand il n’assouvit pas ses désirs secrets avec le professeur Pinel. Et puis la mère boit pour tenter d’oublier et rêve en secret de fuir cette prison. Et la fille s’inquiète pour sa retraite future. Et le fils fait des projets de révolution violente.
Julie Aminthe nous réjouit avec ce tableau tendre et cruel du fondement de nos sociétés : la famille, lieu de tous les secrets, de toutes les cachotteries, mais aussi lieu du fantasme absolu d’un bonheur à vivre. Le repas se termine pour partie en masque de beauté tandis que les morilles déclarent la guerre au rôti de porc. Le carrelage n’en sortira pas indemne. Dans un style rapide, efficace, l’auteur pulvérise avec douceur les clichés familiaux, et nous dévoile ce que nous savions pour la plupart déjà, que dans la famille, comme ailleurs, l’enfer c’est les autres.
P. G.-B.
Une famille aimante mérite de faire un vrai repas,
de Julie Aminthe
Quartett, 112 pages, 12 €
Théâtre Une famille aimante merite de faire un vrai repas
juillet 2014 | Le Matricule des Anges n°155
| par
Patrick Gay Bellile
Un livre
Le Matricule des Anges n°155
, juillet 2014.