Un livre

Ils savent tout de vous

de Iain Levison

Editions Liana Levi

Maître de la dérision, armé d’humour et de tendresse quand d’autres succombent au mépris ou au cynisme, Iain Levison récidive dans le bonheur d’écrire une histoire, un roman en plein dans le mille de ce que l’on refuse de voir : la surveillance des individus, le fichage, la manipulation… Ils savent tout de nous utilise les codes du paranormal, presque de la science-fiction, pour mieux nous faire voir, sentir, ce qui se trame déjà sur nos petites têtes hélas terriblement naïves. De livre en livre, d’Un petit boulot à Arrêtez-moi là sans oublier Tribulations d’un précaire, l’écrivain né écossais, américain malgré lui, et aujourd’hui exilé en Chine, écrit notre monde si follement moderne en se plaçant du côté des oubliés de la politique comme de la littérature, les « gens de peu » pour emprunter au philosophe Pierre Sansot le titre de son fameux ouvrage. Prolos, précaires, femmes et hommes en bout de course, mais toujours dignes, tels sont les personnages de Iain Levison le bienveillant. Bien sûr, il y a des méchants, incarnés ici par un agent du FBI. Mais ce que dénonce Levison, bien au-delà de ce personnage vil (et loufoque à souhait), c’est bel et bien l’État en tant qu’institution, terrifiante machine à entourlouper, à broyer les individus, ici ceux d’Amériques.
Ils savent tout de nous met en scène un flic, assez ordinaire, qui se découvre un talent : lire dans les pensées de l’autre. Or, dans le couloir de la mort d’une prison, un bandit a lui aussi ce don. Les deux vont se retrouver dans une aventure digne des meilleurs feuilletons d’antan. Péripéties, extravagances, drôleries s’enchaînent sur un rythme d’enfer. Aux manettes, les services secrets, et même l’ONU… Pris au piège d’un système qui les dépasse, les deux lascars devront s’inventer une sortie…
Désabusé par notre monde Iain Levison ? Pas tant que cela. Il possède une botte secrète, celle de ne jamais tomber dans le politiquement correct. Ses livres trifouillent en profondeur là où mijote le mal. Surtout, ils défient la morale. Diantre, que cela fait du bien.
Martine Laval