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Histoire littéraire Céline, les femmes et le livre

janvier 2016 | Le Matricule des Anges n°169 | par Richard Blin

On le qualifierait aujourd’hui de personnalité borderline, mais sa façon d’évoquer les femmes ou de faire danser la langue reste inégalée.

Lettres à Pierre Monnier (1948-1952)

Toujours explosif le cas Céline (1894-1961). Écrivain de génie, il a tout étalé dans son œuvre – sa peau, ses humiliations, ses hantises, son hystérie – et ce au fil d’« une des musiques les plus stupéfiantes jamais tentées à travers le français » (Philippe Muray). D’où l’insatiable curiosité pour ce survivant de l’enfer de 14-18 qui consacra sa vie à la médecine et à l’écriture, explora la nuit des pulsions et des forces animales dans son Voyage au bout de la nuit (1932). Un homme qui choisit de publier sous une identité féminine, ce qui en dit long sur son rapport au féminin.
Dans Céline et les femmes, Pierre de Bonneville revient sur celles – leur liste donne le tournis – qui ont compté dans la vie de celui qui longtemps n’eut qu’un credo : jouir et profiter de la vie. Ne croyant pas à l’amour – « C’est la manie des jeunes de mettre toute l’humanité dans un derrière, un seul, le sacré rêve, la rage d’amour » –, il multiplie les rencontres éphémères. Ce qui ne l’empêchera pas de consentir à trois mariages. Le premier à Londres, avec une danseuse-entraîneuse (« J’ai fait la connaissance d’une putain… Je l’ai épousée… Trois jours après, je barrais en Afrique, pleine forêt vierge… ») ; le second à Rennes, avec la fille du directeur de l’École de Médecine, le temps de faire, justement, ses études de médecine ; le dernier à Paris, en 1943, avec Lucette Almanzor, une danseuse rencontrée à 41 ans alors qu’elle en avait 23. « Il avait besoin de ma jeunesse et de ma gaieté, dira-t-elle, et moi de sa tête d’homme qui avait vécu. Voilà pourquoi on s’est emboîtés tout de suite l’un dans l’autre. »
Voyeur, il admirait le corps féminin. « Je n’ai jamais eu d’enthousiasme que pour la beauté des formes, la fluidité, la jeunesse, la grâce… Je donnerais tout Baudelaire pour une nageuse olympique. » Mais c’est le corps de la femme-danseuse qui le laisse « tout baveux d’admiration érotico-mystique ». Femme idéalisée, « fleur de l’être », « vraie fauvette », la danseuse surpasse toutes les autres femmes qualifiées de « mensonges de nos rêves ». Les danseuses, « les vraies, les nées, elles sont faites d’ondes pour ainsi dire ! » comme Elizabeth Craig, rousse danseuse américaine avec des jambes « à s’en faire des colliers », rencontrée à Genève et qui vivra sept ans avec lui avant de regagner les U.S.A. Elle fut sa muse, son égérie, l’ « Impératrice », l’immortelle dédicataire du Voyage. D’elle, il dira qu’elle lui avait tout appris, « tout ce qu’il y avait dans le rythme, la musique et le mouvement ».
Avec le temps et surtout la guerre, la sexualité perdra de son actualité. L’urgence est ailleurs. Exilé au Danemark depuis 1945, Céline vit dans une chaumière, au bord de la Baltique. Menacé d’extradition, sans le sou, il cherche désespérément à faire rééditer ses livres, lorsqu’en 1948, Pierre Monnier, profitant de la tournée d’un groupe folklorique, a l’occasion de le rencontrer. Scandalisé par ce que Céline apprend, il rentre à Paris bien résolu à trouver les moyens de le republier. C’est l’étonnante histoire de cette résurrection éditoriale que retrace leur correspondance. Car P. Monnier, caricaturiste de son état, et ignorant tout du monde de l’édition, parviendra à force de courage et d’abnégation à faire republier le Voyage, sous le manteau, en Belgique, avant de créer sa propre structure d’édition pour faire reparaître Casse-Pipe et Mort à crédit. Le tout, en préparant l’arrivée de Céline chez Gallimard et en servant de relais avec les avocats préparant la défense de Céline, le non-lieu de 1951 et son retour en France.
Des lettres où l’on retrouve tout ce qui fait le génie du style de Céline, mais dans une version plus brute, plus impulsive. De récriminations en obsession maniaque, ses lettres ne sont qu’un véhicule d’émotions où le sarcasme se mêle à une verve délirante. Les éditeurs ? « Un gang de racketteurs ». L’édition ? « Une foutue galère », « mieux vaut vendre des soutiens gorge ou des marrons glacés ». Ce qu’il veut c’est de l’argent. « Je veux des ronds comptant et merde du reste (…). Tant de livres imprimés, tant de droits (18 p. 100) ». « Les aléas de la vente etc… pour leur gueule ! » Il se dit ouvrier qui veut être payé recta quand il livre son boulot. C’est l’époque où il travaille à Féerie pour une autre fois. « Féeries, vous savez c’est avant tout du style et c’est crevant. » « Un livre doit être une absolue surprise. » Où l’on retrouve sa conception de l’écriture comme transe, comme « horrible travail » du côté du nerf, de la viande, de la fibre. Au total, ces lettres – dont il a beau dire que « c’est toujours con à faire paraître en recueil » parce que « ça fait branlette – onanisme » – on se régale à les lire.
Richard Blin

LETTRES À PIERRE MONNIER (1948-1952)
DE LOUIS-FERDINAND CÉLINE
Édition établie, présentée et annotée par Jean-Paul Louis, Gallimard, 576 pages, 35 et CÉLINE ET LES FEMMES
DE PIERRE DE BONNEVILLE
L’Éditeur, 224 pages, 15

Céline, les femmes et le livre Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°169 , janvier 2016.
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