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Domaine étranger À l’endroit, à l’envers

juin 2016 | Le Matricule des Anges n°174 | par Eric Bonnargent

Chez Anna Starobinets, le monde des contes de fées est un lieu où les frayeurs et les fantasmes qui nous hantent peuvent se réaliser.

Tout commence de manière assez classique : Marie, photographe moscovite est à Paris pour couvrir le Salon international du livre pour la jeunesse. La capitale française l’écœure immédiatement : « Elle ne me plaisait pas du tout, cette ville bruyante, avec ses alignements d’immeubles qui déclinaient toutes les nuances possibles et imaginables de beige. On aurait dit des rangées de gâteaux géants et poussiéreux surplombant le passant pour lui offrir le spectacle de décorations baroques et alambiquées qu’un pâtissier aurait réalisées avec de la crème avariée. » Si la qualité du style et le sens de la métaphore sont indéniables, ce n’est pas seulement pour cela qu’Anna Strarobinets, née en 1978, a déjà été finaliste de nombreux prix littéraires. Digne héritière de Gogol et de Boulgakov, la jeune écrivaine russe a un univers bien à elle où le fantastique et l’horreur émergent peu à peu et pourtant de manière toujours inattendue, provoquant chez son lecteur ce fameux sentiment d’inquiétante étrangeté que Freud définissait comme le surgissement de « tout ce qui devait rester un secret, dans l’ombre ».
Ce surgissement se fait petit à petit. Après quelques pages, on comprend que Marie ne va pas très bien : non seulement, elle est réveillée toutes les nuits par des cauchemars où se mêlent les univers du Petit Poucet et de Hänsel et Gretel, mais elle se rend compte que sa mémoire est si altérée qu’elle ne parvient même plus à se souvenir du prénom de son ancien mari ou de celui du tout nouveau président russe, dont le populisme nationaliste est si effrayant que son collègue a décidé de ne pas rentrer, de demander l’asile politique. Les choses s’aggravent pour Marie lorsque le réceptionniste de son hôtel lui refuse l’accès à sa chambre. Commencent alors quelques journées d’errance dans les rues de Paris jusqu’à ce qu’elle sente en elle l’impératif devoir de retourner en Russie et de se rendre à un certain refuge 3/9 dont elle ne sait rien… Dans les toilettes de la gare, elle se rend compte qu’elle n’est plus elle-même : « Dans le miroir qui me faisait face, je voyais un homme d’une quarantaine d’années à l’allure repoussante, malpropre et éreinté. Son visage boursouflé, bouffi, aux traits accusés, était hérissé d’une barbe poivre et sel de plusieurs jours. Ses petits yeux marron foncé, nichés des deux côtés du nez, lançaient un regard maladif et méchant. Son nez pelait. Sa peau était plutôt mate. Les boucles raides de ses cheveux bruns et gras, mouchetés de blanc çà et là, lui descendaient en torsades dans le cou, pour disparaître derrière un col noir de crasse. » Au moment où elle se transforme en SDF, un prisonnier russe en Italie entend le même appel vers le mystérieux refuge et se métamorphose instantanément en araignée… Alors que des rumeurs de fin du monde parcourent le web, deux autres histoires se développent en parallèle : un petit garçon tombé dans le coma suite à un accident dans une fête foraine est admis dans une étrange institution et un autre (?), à la recherche de sa maman, pénètre dans un monde merveilleux et effroyable peuplé de sorcières, d’ogres, de gnomes, de sylvains et d’autres créatures fantastiques, tous prisonniers d’une malédiction à laquelle ils n’échapperont qu’en allant s’abriter dans un mystérieux refuge…
En utilisant différents registres qui vont du drôle au cruel, du merveilleux à la critique sociale, tout l’art d’Anna Starobinets consiste à mener toutes ces intrigues de front, à y entraîner le lecteur qui se demandera, jusqu’à l’arrivée au refuge, s’il doit plonger ou non dans l’irrationnel. Avec cette lecture, on comprend pourquoi Nadège Agullo, qui avait déjà publié deux autres livres d’Anna Starobinets (Je suis la reine et Le Vivant) aux éditions Mirobole dont elle était la co-fondatrice, a décidé de lancer sa propre maison avec cette étonnante écrivaine.
Éric Bonnargent

Refuge 3/9
De Anna Starobinets
Traduit du russe par Raphaëlle Pache,
Agullo, 469 pages. 22,50

À l’endroit, à l’envers Par Eric Bonnargent
Le Matricule des Anges n°174 , juin 2016.
LMDA papier n°174
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