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Domaine français Zombie irradié

mars 2017 | Le Matricule des Anges n°181 | par Dominique Aussenac

Publication de L’Étoile absinthe, roman inachevé de Jacques Stephen Alexis, le grand soleil rouge de la littérature haïtienne,

Officiellement, Jacques Stephen Alexis né en 1922 à Gonaïves n’est toujours pas mort. Son corps n’ayant jamais été retrouvé. Officieusement, il fut exécuté avec ses camarades par les Tontons macoutes du dictateur Duvalier, lors d’une tentative de retour clandestin en Haïti, en avril 1961. Quelques jours plus tard, les Américains tenteront de débarquer dans la Baie des cochons à Cuba, propulsant le régime castriste vers le Bloc soviétique. Descendant du père de l’indépendance haïtienne et empereur de Haïti, Jean-Jacques Dessalines, fils du diplomate et écrivain Stephen Alexis, Jacques Stephen eut les vies créatives et fulgurantes d’un médecin neurologue, d’un militant humaniste et communiste international, ayant rencontré Mao Tsé Toung, d’un écrivain vibrionnant, luxuriant et baroque. Héritier des poètes de la négritude (Césaire, Senghor), instigateur du réalisme merveilleux caribéen alliant réalisme social, fantastique et arts et traditions populaires, il publia quatre romans. Compère général Soleil (1955, Gallimard), son livre phare, relate la conversion au communisme d’Hilarion, jeune et pauvre haïtien. Il finira lui aussi assassiné. Au-delà du tragique, ce qui éblouit dans l’œuvre d’Alexis, c’est la toute-puissance d’une écriture, l’immense force de vie, d’amour, le côté solaire, l’explosivité des images, l’émergence de la poésie, du créole et de l’imaginaire haïtien.
Cinquante ans après sa disparition, les éditions Zulma exhument L’Étoile Absinthe, roman inabouti, retrouvé dans des tiroirs. Jacques Stephen voulait en faire le deuxième tome d’une trilogie amorcée avec L’Espace d’un cillement (Gallimard, 1955). Les thèmes de dépossession et de re-possession, récurrents dans ses écrits, mettent en scène la figure de la putain et de l’ouvrier. Et ce, dans une histoire d’amour christique, courtois (troubadours ou romantiques), fou, mâtiné de surréalisme (Breton), d’animisme (panthéon vaudou), d’érotisme cosmique, de lutte des classes et des peuples.
Niña Estrellita, prostituée cubaine rencontre El Caucho, prolo communiste. Elle reconnaît en lui, Rafaël, son premier amant, alors qu’elle-même se prénommait Églantine. Dans cet Orfeo Negro, le couple se forme, se désunit. Églantine, honteuse de son passé, fuit. On la retrouve dans cet écrit posthume où il est question de purification et de métamorphose. Se dépouillant de ses oripeaux, Églantine s’établit dans une pension où elle rencontre Célie, femme d’affaires, annonciatrice des Mama Benz africaines. Elles affrètent un navire pour transporter du sel, (sic ! commerce ou alchimie ?) d’un bout à l’autre de l’île. Au cours de la traversée, le bateau est pris dans une tempête tropicale. «  Nous qui patrouillons aux frontières de l’humain, nous qui explorons les lacs de l’effroi, nous les amis du cœur misérable, nous nous découvrons quand le Néant pond ses œufs dans les blessures, nous ne répondons alors de rien. L’Églantine a vu tout ce qu’elle pouvait encore connaître : la mort est un sacrement d’offrande ou une démence blasphématoire.  »
Dans une véritable émergence des Enfers sur mer, Églantine subit les assauts des forces obscures, ainsi que les tentatives d’un jeune mousse en rut à se fondre en elle. À l’instar du voilier, baptisé Dieu-Premier, la jeune femme résiste, s’arc-boute. « La gelée liquide des oligo-éléments fait chatoyer la mer furieuse sous la rumeur panique du vent et l’éteignoir de la nuit impénétrable. » La grâce et la Rédemption poindront au petit matin. Sur la plage, le charivari d’une bande de carnaval les accueille. Églantine rêve, qu’engloutie sous cent mètres de fond, elle rencontre les divinités vaudoues, leur défilé, leurs rythmes provoquent sa transe, sa transcendance. Le roman se termine là. À nous, lecteurs ou écrivains d’en imaginer la fin. Jacques Stephen Alexis nous porte dans son sacré souffle.

Dominique Aussenac

L’Étoile Absinthe, de Jacques Stephen Alexis
Zulma, 160 pages, 17,50

Zombie irradié Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°181 , mars 2017.
LMDA papier n°181
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