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Domaine étranger Lluís llach, un opéra catalan

juillet 2017 | Le Matricule des Anges n°185 | par Thierry Guichard

Par le biais d’une saga familiale, le chanteur confirme son entrée réussie en littérature. Et porte haut les couleurs d’une Catalogne fière et droite.

Les Femmes de la Principal

Voici un roman qui pourrait être adapté pour faire un de ces feuilletons de l’été dont les chaînes télé raffolent. Il y est question d’une terre en Catalogne. D’une grande famille dont on va suivre l’existence sur plus d’un siècle. D’un héritage inattendu. Mais aussi d’un meurtre sur lequel un jeune inspecteur enquête en 1940, au sortir de la guerre civile, sous le régime de Franco, dans une Espagne tenue par la dictature et la religion. Il est question aussi de trois femmes, trois générations, portées à diriger l’exploitation viticole et à dominer dans un monde où, au sortir du XIXe siècle, c’est aux hommes de présider à la destinée des familles et des entreprises.
Mais, là où généralement les feuilletons saisonniers ne s’embarrassent pas de véracité, le roman de Lluís Llach parvient à faire émerger tout un monde sans qu’aucune fausse note ne vienne déstabiliser la lecture du livre.
La première réussite du roman tient au fait que son auteur rend palpable la vie rurale en Catalogne à la fin du XIXe siècle et au mitan du XXe. Ou plutôt dans cette partie montagneuse et rurale de la Catalogne qui possède une identité propre, séculaire, où les règles n’ont pas besoin d’être prononcées pour être comprises. C’est que Lluís Llach connaît son sujet : né à Gérone en 1948 l’homme a toujours défendu la culture catalane. Dans les années 60, il commence une carrière musicale (29 albums à son actif) qui va faire de lui un symbole de la lutte contre le franquisme. Sa chanson L’Escata est considérée aujourd’hui comme un hymne catalan. Sorte de Leonard Cohen espagnol, il doit s’exiler cinq ans en France pour échapper aux geôles franquistes. Depuis 2015, il siège au Parlement de Catalogne dont il souhaite l’indépendance…
Dans le village de Pous qu’on imagine proche du massif de Monserrat, le domaine de La Principal, le plus prospère, est dirigé par Andreu Roberich qui gère avec rigueur le patrimoine agricole comme les propriétés foncières que la famille possède à Barcelone. Homme d’affaires, respecté des villageois comme de ses employés, Andreu incarne la tradition en même temps qu’une forme de modernité, profitant de l’arrivée du phylloxéra en Europe pour mieux vendre le vin produit dans cette partie de l’Espagne encore épargnée par le fléau. Mais le mondialisme est en marche (ce que raconte aussi, en mode mineur, le roman) et le phylloxéra finit par toucher la Principal. Andreu décide alors d’arracher les vignes, de partir avec ses quatre fils à Barcelone et de laisser sa fille, Maria, gérer seule la propriété. Les hommes aux affaires, la femme à la maison. Les hommes dans la capitale, Maria, condamnée à perpétuité dans la campagne. L’ordre naturel des choses, en 1893, en Catalogne. Ce que Maria ignore, c’est que son père, en réalité, lui porte un amour profond et tu par pudeur (l’ordre naturel des choses, en Catalogne) et qu’elle va hériter, au final, d’une fortune, inaugurant la dynastie des Maria qu’on suivra jusqu’au début du XXIe siècle.
La première Maria va devoir marquer les esprits (à commencer par ceux de ses frères qui acceptent mal l’héritage) et imposer son autorité à tout le village. Dure et intransigeante, elle trouvera un époux plus riche qu’elle, artiste érudit et délicat, contrepoint magnifique à la tradition dont elle est l’héritière. Le roman avance par sauts successifs dans le passé à l’occasion de l’enquête que l’inspecteur Recader mène autour de l’assassinat d’un ancien employé de la Principal. Sa première interlocutrice, Úrsula, entrée au service d’Andreu Roberich a connu et connaîtra les trois Maria. Caractère bien trempé, la nourrice généreuse raconte ce qui lui paraît pouvoir être raconté. Car le roman, aussi, tourne autour de la blessure profonde que fut la guerre civile. C’est le trou noir du livre. Le meurtre, commis en 1936, devra attendre 1940 et la fin du conflit pour être élucidé. Les paroles, les actes des protagonistes semblent tenus dans le carcan du franquisme. Llach n’en dit presque rien. Il laisse entendre…
On ne dira rien de l’intrigue policière, de ce qu’elle dénonce aussi du pouvoir en place, de la manière avec laquelle elle met au jour la corruption du pouvoir. Lorsque Recader vient à La Principal, en 1940, c’est la deuxième Maria qui dirige le domaine. La très belle Maria. La moderne Maria, tombée amoureuse du fils de la cuisinière, Llorenç auquel on devra la révélation finale, transmise à fille, la troisième Maria. Et de belles pages sur le désir et l’émancipation. Comme si, les trois Marias symbolisaient le destin de la Catalogne.

T. G.

Les Femmes de la Principal, de Lluís Llach
Traduit du catalan par Serge Mestre,
Actes Sud, 306 pages, 22,80

Lluís llach, un opéra catalan Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°185 , juillet 2017.
LMDA papier n°185
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