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Poches Le désarroi du jeune adam

juillet 2017 | Le Matricule des Anges n°185 | par Thierry Guinhut

Le puissant roman de Robert Penn Warren interroge la solitude de l’homme face à son destin au cœur de la guerre de Sécession.

Pour la liberté ! » Voilà pourquoi veut combattre Adam Rosenzweig. Hélas, cette profession de foi provoquera les railleries de ses camarades sur le bateau qui le conduit à New York. Ce n’est qu’une des péripéties du héros de Robert Penn Warren dans La Grande Forêt, roman publié aux États-Unis en 1961, puis en 1994 en France. Il fallut donc trois décennies, puis deux autres, pour chez nous l’extirper d’un oubli immérité.
Malgré son handicap, Adam quitte la Bavière et la tradition familiale juive avec la ferme intention de combattre en faveur de la libération des Noirs, alors que gronde la guerre de Sécession. Le récit se fait picaresque lorsque notre héros, rejeté du recrutement militaire pour insuffisance physique (un pied-bot), est traité comme un gueux, commis aux bas travaux sur le pont qui lui fait traverser l’Atlantique. Cependant, même à New York, la foule lynche les Noirs. L’intensité tragique, sans illusion sur la nature humaine, balaie la narration : « la souffrance rédemptrice qu’il avait éprouvée (…) lui avait été retirée ». Ainsi une dimension métaphysique sourd du récit. De même, celui qui le recueille et espère le voir remplacer son fils, emprunte la voie de la philosophie : « quand on cesse d’adorer Dieu, il ne reste qu’une chose à quoi se raccrocher : l’Histoire ». Sauf que celle-là n’a guère de sens.
Sur le chemin qui le conduit vers le front, il vient en aide à une jeune femme, bientôt veuve, sans décider de s’installer dans sa ferme : « Était-ce uniquement parce qu’il lui manquait le courage de vivre, qu’il aurait peut-être celui de mourir ? » Resté vierge, pas plus que dans la guerre, il ne peut s’engager dans l’amour. Plus tard, devenu « vivandier  », ou préposé à la gestion d’une boutique, il découvre l’armée, et ses idéaux s’érodent peu à peu devant une réalité sordide, devant une humanité yankee néanmoins gangrenée par le racisme, devant la bassesse des caractères, la haine et le crime… Il ne peut s’empêcher d’avoir un comportement ambivalent devant son ami noir, Mose : lui apprendre à lire, et l’insulter. Car tous se battent, en 1864 et en Virginie, non pas pour la liberté : « c’est pour tuer qu’ils se battent ». Le débat entre culpabilité et innocence innerve la réflexion, non sans que les personnages soient marqués par leur fatalité. Paradoxalement, Adam – dont le prénom signifie « homme » en hébreu – quoique témoin de la furie des hommes, trouvera la sérénité. Est-ce là son salut, sa rédemption ?
Une écriture évocatrice, dramatique et lyrique, aux talents psychologiques certains, douée de réelle pensée, innerve le roman. Sa progression, de chapitre en chapitre, le charpente en séquences de registres divers, presque toujours intenses, même si la tension baisse par endroits, comme parmi le campement militaire. Cependant, les rebondissements ne tardent pas, avant d’entrer dans la « grande forêt  », champ de bataille sans pitié et nature sauvage (le titre original est Wilderness) là où « le monde était rempli de splendeur  ».
Ce roman historique sombrement coloré est aussi réaliste qu’édifiant ; il secoue son lecteur, apitoyé, effaré, le force à réfléchir. Avec La Grande Forêt, qui est également une ode aux splendeurs du paysage américain, Robert Penn Warren (1905-1989) s’engage pour la cause de l’intégration des Noirs dans la société américaine. En 1965, il publie Who Speaks for the Negro ?, suite d’entretiens avec des figures du Mouvement pour les droits civiques, dont Malcom X et Martin Luther King. Mais son ampleur romanesque, pas si loin de Faulkner, dépasse de loin la question politique. Poète et romancier, qui fut primé deux fois par le Pulitzer, Robert Penn Warren est surtout connu pour ses Fous du roi (Les Belles Lettres, 2015), ample roman de l’ascension et de la chute d’une crapuleuse carrière politique.

Thierry Guinhut

La Grande Forêt, de Robert Penn Warren
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean-Gérard Chauffeteau et Gilbert Vivier, Points, 288 pages, 8,60

Le désarroi du jeune adam Par Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°185 , juillet 2017.
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