Violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner
À Nice, Armande, femme à la quarantaine bien dépassée, meurt sous les roues d’une voiture. S’est-elle suicidée, ou est-ce un accident ? Cette question hante ses proches, qui se retrouvent pour son enterrement en région parisienne. Il y a là son ancien mari Christian, ainsi que sa meilleure amie Patricia, qui a épousé l’associé de Christian, Émilien. Le lien entre ces deux familles, fusionnel, étrange, se déroule lentement. L’auteur nous fait pénétrer dans l’esprit de chacun des personnages, qui s’expriment selon de courts chapitres. Et le récit avance ainsi, au gré de leurs révélations et de leurs confidences.
Le lecteur découvre tout d’abord que le monde des Desforges et des De Graaf n’est pas très féministe. Patricia et Armande, d’après les rapports des uns et des autres, font plutôt figure de renoncement. Trompées par leur mari, ayant abandonné toute perspective d’étude ou de travail, « elles échangeaient leurs tuyaux : tel tapissier pour le salon, tel traiteur pour la communion de l’un d’entre nous. Bref, du vide en boîte. Mais du vide qui donnait une impression de contenu ». Les souvenirs, émus, nostalgiques, excédés, rejaillissent. Et, peu à peu, le passé se reconstitue comme un puzzle, pétri de tabous, de drames et de secrets.
Derrière cette intrigue très bien menée, et ces personnages malgré tout attachants, Étienne Deslaumes – après son exploration du monde de l’entreprise, avec Journal ambigu d’un cadre supérieur (Monsieur Toussaint Louverture, 2012) – livre une réflexion très poussée sur le couple (une place « loin d’être aussi ensoleillée que l’on voudrait »), la famille et la sexualité. Cette analyse des relations humaines, froide, légèrement pessimiste, le pousse à ce constat morose : « Il y a une raison souterraine à nos attachements les plus nobles, ou à nos détachements les plus excusables, et cette raison est presque toujours personnelle, égoïste ».
Camille Cloarec
Buchet-Chastel, 288 pages, 17 €