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Domaine français D’une cité à l’autre

septembre 2017 | Le Matricule des Anges n°186 | par Emmanuelle Rodrigues

Entre Meudon et Alger, un beau roman de Marie Richeux où l’Histoire et le document sont matière à fiction.

Née en 1984, Marie Richeux, productrice et animatrice de radio, est l’auteure de deux précédents livres (Polaroïds et Achille). Elle signe ici son premier roman qui relate l’histoire du chantier de la cité « Climat de France », bâtie sur les hauteurs d’Alger entre 1954 et 1957, dans un pays encore sous le joug colonial. Le maire de l’époque, Jacques Chevallier, décide de remédier au manque de logements qui affecte sa ville, et pour ce faire, sollicite Fernand Pouillon, architecte alors au début de sa carrière. Celui-ci conçoit un bâtiment monumental, soutenu par deux cents colonnes. Cette impressionnante réalisation architecturale, la toute jeune Marie, la narratrice, la découvre en 2009, et ce qu’elle en perçoit alors, marque le début d’une inlassable quête. Elle note : « Ce jour-là, le ciel est blanc. Je lève les yeux : une couronne de pierres m’entoure. (…) Je suis subjuguée par le grandiose de l’édifice. (…) J’enregistre tout. C’est de cette vision et de l’émotion profonde qu’elle provoque en moi que tout part. » Il lui faudra désormais comprendre les raisons de sa fascination. Elle constatera en effet que la « cité heureuse  » où elle et ses amis ont grandi à Meudon-la-Forêt, fut également construite par Fernand Pouillon, durant la période même de la guerre d’Algérie. Peu à peu, le livre prend une tout autre dimension : c’est bien une sorte de chantier qu’il devient à son tour, dont il faut relater les étapes de l’élaboration, et cela, en tenant jusqu’au bout le pari d’une narration constamment mise en abyme.
Tout, dira la narratrice de Climats de France, « me demande de penser l’entremêlé du passé et du présent ». À la manière de l’architecte dont elle évoque « l’esprit social », la romancière cherche à rendre voix à ceux dont la parole n’est pas toujours entendue, et souvent ignorée. Ainsi, Malek, âgé de 80 ans, qui fut son voisin, et le père d’Abdelkader, décédé encore jeune homme d’une overdose, devient-il son interlocuteur privilégié. Ce dernier tente avec elle d’élucider les silences, les non-dits, et grâce à leurs échanges, tous deux parviennent à interroger le passé au regard du présent. Et à Malek qui la questionne à propos de son livre, Marie répond : « Je voudrais raconter ça. Ces immeubles où j’ai grandi. Ce que c’est que vivre sur le même palier que quelqu’un. Je voudrais raconter comment l’Algérie s’est soudainement rappelée à moi. Comment son histoire a coulé sous la mienne, une nappe. Comment d’une vie sans lien entre les rives, on passe à un tissu cousu serré. (…) Je ne connais personne qui m’ait dit quoi que ce soit sur ce pays. Je voudrais raconter que je ne me souviens pas de l’avoir étudié à l’école. Ni de la violence. Je voudrais raconter comment cet immeuble s’élève pourtant entre autres sur la guerre d’Algérie et l’exil. Et dire que j’y ai passé vingt ans, sur le même palier que toi. Je voudrais dire la puissance d’un palier, qui me fait découvrir un jour que tu es né là-bas. »
Du projet de Fernand Pouillon, il est dit aussi que d’emblée il fut précisément de bâtir « des palais pour les humbles ». La cité « Climat de France », il la dessina comme une cathédrale : « L’inverse du mépris. L’élévation. » Car l’architecte considérait sa fonction avec exigence, et pensait-il, « un immeuble est une musique ». Sans nul doute, le roman de Marie Richeux soutient-il un même désir de hauteur. Et c’est aussi un chant qui vient jusqu’à nous, lorsqu’en quelques pages puissantes la mort du jeune Abdelkader, laisse le père inconsolé. Aussi Malek peut-il désormais, lui qui n’aura pas de succession, léguer son histoire à Marie, et lui adresser en guise d’appui un dernier mot : « Surtout, pense à la clarté. ».

Emmanuelle Rodrigues

Climats de France, de Marie Richeux
Sabine Wespieser éditeur, 266 pages, 21

D’une cité à l’autre Par Emmanuelle Rodrigues
Le Matricule des Anges n°186 , septembre 2017.
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