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Poésie L’art des conjugaisons paradoxales

septembre 2017 | Le Matricule des Anges n°186 | par Richard Blin

Par le corps et la voix, la poésie de Sandra Moussempès nous fait voyager dans un temps imagé, entre dissonance et fascination.

Colloque des télépathes

Avec une étonnante cohérence, et sa sensibilité si particulière aux saillances et aux pré- gnances des images, c’est encore et toujours ce qui se cache derrière leur puissance d’affect qu’interroge Sandra Moussempès dans son nouvel opus. À partir de son parcours existentiel et de ses souvenirs d’enfance – cette patrie intérieure tout imprégnée de palpitations secrètes, d’éblouissements mais aussi d’étrangeté et de précipités dramatiques – elle construit, au croisement de l’écriture, de la photographie et du cinéma, des dispositifs qui relèvent d’une sorte d’immense jeu optique. Celui-ci, derrière la dispersion du visible, cherche à capturer les signes ou les reflets d’une réalité qui se lézarde, se dissimule sous des non-dits ou affiche ses sortilèges. Entre le devant donné et le dedans caché ondoie une sorte d’interface qui constitue le milieu où a germé le Colloque des télépathes.
Elle y développe un parallèle, ou plutôt un subtil jeu d’échos, entre les manigances de deux adolescentes hystériques, les sœurs Fox – qui, en 1847, à Hydesville, dans les environs de New York, inventèrent le spiritisme, inaugurèrent la magie moderne en répondant aux raps frappés contre les murs de leur maison – et l’atmosphère qui régna à Hollywood, devenu au tout début des années 1970, le temple des sectes hippies – « Des disciples s’accouplent dans des tons beiges, couleur qui permettrait l’entrée dans une vie parallèle » –, des starlettes en devenir et d’une idéologie qui baigna sa propre enfance.
Sismographie d’un monde oscillant entre fantasme et spectacle – monde parcouru de tensions, traversé de savoirs désorientés, d’expériences névrotico-hypnotico-érotiques, et comme incapable de faire la part de la supercherie ou de l’illusion –, les sept séquences qui composent le livre s’organisent autour d’un rapport braconnier à l’image, cinématographique ou pas. L’image qui séduit, dérange, nous apprend à voir le réel autrement. Il n’est pas innocent que la mise en scène spirite, avec son cabinet tendu de drap noir sur le fond duquel l’apparition pourra s’esquisser, éclairée par les reflets d’une huile phosphorescente, mime le dispositif technique de la photographie. « L’aspect ludique de l’invisible provoque une fascination qui comporte des méthodes d’investigation. » Est à l’œuvre la même logique de la camera oscura, de cet acte occulte qui tient de la pratique de l’envoûtement pour s’assurer de la possession de l’être photographié.
Finalement la photographie qui produit des spectres vivants, ou le réel altéré produit par le processus hautement fantomatique qu’est le cinéma, ne sont pas très différents de la transe poétique, cet « arrêt de soi » pour livrer passage à l’autre, à cette parole qui semble venir d’ailleurs, un ailleurs qui est pourtant en nous, ce qui ne fait que confirmer l’inquiétante étrangeté qui peut présider à l’acte d’écrire. « Il y a une voix dans ma tête, je la ramasse la nuit avec la même petite cuiller en or massif, puis je deviens cette voix devenue hors de contrôle qui se regarde dans un miroir anglais. »
Qu’elle évoque les « dînettes divinatoires », la photographie de pensée, « le manège des ectoplasmes » ou ses souvenirs, c’est le même processus de hantise qui gouverne l’écriture de Sandra Moussempès. Un certain passé est comme encrypté en elle, à l’image de la figure paternelle dans l’ombre portée de laquelle elle écrit. Un père qui voulait qu’elle soit chanteuse d’opéra, qu’elle soit « la Gradiva du Château des Carpates », et pour lequel elle chante ainsi qu’en témoigne l’album CD joint au livre. S’y déploie la bande-son de ce Colloque mais surtout la voix chantée, murmurée, stratifiée en vocalises de l’auteure, une voix qui cherche à aller au-delà du dire en déchiffrant un palimpseste vocal que l’on aime imaginer comme l’effloraison d’un impossible chant d’amour.
Lire, écouter Sandra Moussempès, c’est accepter d’être affecté, d’entrer dans un univers de mondes emboîtés les uns dans les autres, d’être pris dans des jeux de miroirs qui font de chaque séquence un objet d’anamorphoses. C’est découvrir une écriture qui opère par blocs d’émotion et de perceptions, joue de tous les registres de la narration et de la description. Une écriture syncopée, qui dénude l’apparence, en pointe les vérités insues, interroge le rapport au narcissisme comme à l’érotisme. « Des canines mais rien pour dire je t’aime avec une incision. » Écriture qui rêve de trouver une forme qui échapperait à toute conceptualisation tout en s’ouvrant au perturbant, aux radiations du fascinant. « Je suis ici pour brouiller les pistes et non pour m’expliquer. »
Richard Blin

Colloque des télépathes (+ CD Post-Gradiva), de Sandra Moussempès, L’Attente, 96 pages, 14

L’art des conjugaisons paradoxales Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°186 , septembre 2017.
LMDA papier n°186
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