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Arts et lettres L’art est une fenêtre

mai 2018 | Le Matricule des Anges n°193 | par Richard Blin

La fenêtre montre, ouvre, signifie et fait littéralement entrer le regard dans l’œuvre. Un art auquel Pascal Dethurens, au fil d’un parcours littéraire et pictural, rend tout son sens.

L' Oeil du monde : Images de la fenêtre dans la litérature et la peinture occidentales

Ouverture sur l’air et la lumière, œil de la maison, la fenêtre, avec son cadre et son appel à la vue, est à l’origine d’une peinture et d’une littérature « où palpite le sensible, où se rapproche le vivant ». Mais, selon ce qu’elle cache ou dévoile du réel, la fenêtre peut devenir un langage que Pascal Dethurens décode et illustre dans L’Œil du monde.
« Il m’est impossible de considérer un tableau autrement que comme une fenêtre, disait André Breton, dont mon premier souci est de savoir sur quoi elle donne. » C’est qu’une toile à peindre diffère peu d’une fenêtre à ouvrir. Marquant la frontière entre le dedans et le dehors, la fenêtre rend possible la figuration de deux espaces disjoints, permet d’être ici et là en même temps, de ce côté-ci et de ce côté-là du monde, un bonheur que Matisse, Bonnard ou Stendhal ont su, chacun à leur façon, célébrer avec joie.
Espace par lequel tout ce qui s’offre au regard s’enrichit d’un sens, la fenêtre fait se lever un autre monde, que ce soit celui de la poésie dans Les Fenêtres de Baudelaire, ou celui du rêve chez Emma Bovary passant ses journées devant la fenêtre, « lieu de l’attente, vigie sur le vide d’où peut surgir l’événement » (Jean Rousset). Chez Caspar David Friedrich, le personnage occupé à regarder par la fenêtre « autorise à voir l’infini de la rêverie par le fini du point de vue », comme chez Leopardi ou Hölderlin. La fenêtre alors devient cette « délivrance, illusoire mais puissante » qui emporte au loin, ouvre à l’espace de ce qui est. Chez Balthus, dans ses tableaux de « jeune fille à la fenêtre », tout est dit de l’absorption, de l’alanguissement, de l’émerveillement mais rien de l’énigme, parfaitement indéfinissable, qui retient captif leur regard. Chez Proust, par contre, la fenêtre peut dévoiler la vérité, donner à voir la face cachée du monde ou laisser filtrer le discours tabou, l’obscène, le hors scène de la comédie sociale.
Le personnage à la fenêtre comme lieu privilégié d’une possible apparition, peut se faire voyeur ou guetteur (Le Désert des Tartares de Dino Buzzati). Une forme d’attente qu’illustrent certains tableaux d’Edward Hopper : quelque chose devrait arriver mais rien n’arrive jamais. La fenêtre devient « l’oracle du vide », elle ne montre rien d’autre que « la béance même de l’être », le réel dans son insoutenable légèreté. Mais si la fenêtre peut être un trou, un vide, elle peut aussi se faire narrative sous la forme du vitrail qui, dès le XIe siècle, va raconter l’histoire sainte en même temps qu’il fait pénétrer la clarté divine à l’intérieur de la nef.
De toutes les œuvres qui exaltent la vibration de la lumière et le jeu des modelés lumineux rendus possible par la présence d’une fenêtre, celle de Vermeer est exemplaire. Mais la lumière qui surgit par la fenêtre peut aussi être l’expression d’une lumière spirituelle et intellectuelle comme dans Le Philosophe en méditation, de Rembrandt. Éminemment théâtrale, la fenêtre peut encore se faire déroutante ou énigmatique au point de mettre le regard au défi. Ainsi, chez Pessoa, la fenêtre n’est plus un outil du voir mais le lieu du songe et du mystère. Quant à Chirico, ses fenêtres vides – n’ouvrant sur rien, donnant « sur l’étant, sur l’infini » – relèvent d’une véritable gageure tant elles semblent défier la peinture « en lui enjoignant de dévoiler cela qui par essence se dérobe à jamais, le néant ». Enfin, chez Magritte, la fenêtre abolit l’humain. Elle n’est plus le lieu d’une présence mais se présente comme un seuil. Mais de quel au-delà de l’œil et de la pensée ?

Richard Blin

L’Œil du monde, de Pascal Dethurens
L’Atelier contemporain, 170 pages, 25

L’art est une fenêtre Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°193 , mai 2018.
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