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Poésie Imperceptible respiration

juillet 2018 | Le Matricule des Anges n°195 | par Emmanuel Laugier

Pas à pas, les livres de Franck André Jamme élaborent une tresse de voix murmurées, qui font du doute la place centrale de l’existence.

L' Apprenti dans le soleil

Qui est cet « apprenti dans le soleil  » qui titre le nouveau livre de Franck André Jamme ? L’image peut saisir quelques motifs dans le langage. On songerait d’abord à la puissance jaune paille de la peinture de Vincent van Gogh. À quelques « horribles travailleurs » (Rimbaud), pour l’endurance. Ou bien à l’épreuve patiente que tout apprentissage exige, avec coup de bambou sur la tête du novice. On serait du côté de moines zen. Toutes ces références tiennent dans ce titre-là, auquel il faut ajouter celui que Duchamp forgea pour nommer un petit dessin de cycliste réalisé en 1912 sur du papier à musique, celui-ci exactement : « Avoir l’apprenti dans le soleil ». L’effort du coureur penché contre le vent et le soleil va aussi très bien, elle appelle la « multiplication des brèches et des obstacles » (titre d’un livre de Franck André Jamme, 1993), ainsi que la tâche que Pour les simples (1987) appelait déjà de ces vœux : « ç’aura été sans fin, ces pages, pardonne-moi. Tant de temps pour si peu. (…) Juste dire, pourtant, ce que disent les choses. (…) L’éclair, ému, accordait lentement.  » Toute la poétique, patiente, nonchalante mais d’une discrétion au tact rare, l’effet du moindre geste dans l’acte de consigner ce qui serait à dire (d’essentiel), le choix d’une syntaxe minimale et sans expressionnisme, tout cela, avec son envoûtante rythmique de « mantra box  », dessine le mouvement de l’œuvre (le mot allant mal) de Franck André Jamme. Il faudrait aussi ne pas oublier que ses livres, avec la distance nécessaire, s’inscrivent dans le voisinage de Michaux, notamment de Lointain intérieur ou de Poteaux d’angle. Écoutons par exemple ceci : « l’aubaine/de toucher au but/par surprise//alors qu’au vrai/ce n’était pas vraiment/l’heure prévue//les zébrures qui passaient/d’un œil à l’autre des rapaces/juste avant la chasse/ou les fiançailles//quelques danses/au bon moment ://elles aidaient/à omettre/les blessures  ».
Ce n’est donc pas peu cette fidélité à l’esprit-Michaux. Sa rapidité, aussi ironique que réservée, rusée qu’intègre, lucide que joueuse, est l’un de ses moteurs principaux. L’Apprenti dans le soleil, miroir d’Au secret paru en 2010 (même composition de ce que l’auteur appelle des listes de propositions), s’ouvre et se ferme par une phrase en italique et entre parenthèses : l’auteur nous souffle que celles-ci, divagantes, réfèrent au carré magique Sator, célèbre palindrome latin (SATOR AREPO TENET OPERA ROTAS, traduit littéralement par « Le laboureur Arepo utilise les roues (c’est-à-dire une charrue) comme forme de travail. »). Recopié sur un 8e de page, celui-ci le suivit partout « dans ses poches tels une amulette ou un talisman – ou comme un banal porte-bonheur  ». Tout ce qui se passe entre la première et la dernière page est une extension, un dépliage, un fin travail d’origami, de ce que ces pages ne disent pas. Comme si elles étaient une boîte sans fond et l’objet-même du mantra qui tient la voix de Franck André Jamme. Aussi peut-on piocher et/ou suivre la lente avancée de ces propositions poétiques, de leur étincellement fugace à la réalisation d’un lien entre vivre et écrire. Faut-il alors se méfier de toutes les tournures et des ornières du langage que les roues de la charrue du livre (et de la lecture) creusent, de sillon en sillon, en se retournant ? Car il y a « les halos de mensonges/autour des paroles//ici et là  », « l’impression fugace/que votre gant intérieur/s’était retourné  », mais aussi « les signes/en forme de soleil à midi/avec des rayons très visibles//une sorte d’oursin de lumière/tout à coup/à la pointe de la langue  ».
Cet oursin, de lumière, peut-être est-il la plus juste façon de dire cet apprenti devenu semeur de son lopin de terre, après que « l’œuvre des roues/était retrouvée  ». La réserve vive que le corps de piquants de l’oursin révèle en s’ouvrant, peut-être est-il autant le motif hérisson du texte tel que Jamme l’écrit (en hommage aux conceptions des frères Schlegel ?). Mais ce motif est autant la « très ardente lumière  » de la recherche, telle qu’elle innerve ces pages, disons même leur éthique de vie. C’est là toute leur chance et leur beauté vibrante.

Emmanuel Laugier

L’Apprenti dans le soleil, de Franck André Jamme
Dessins de James hd Brown, éditions Isabelle Sauvage,
116 pages, 17

Imperceptible respiration Par Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°195 , juillet 2018.
LMDA papier n°195
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