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Textes & images Chasse aux créatures

septembre 2018 | Le Matricule des Anges n°196 | par Thierry Guinhut

Roman familial et pandémonium de hachures et de couleurs, les monstres d’Emil Ferris envahissent la psyché d’une petite fille tourmentée.

Moi, ce que j’aime, c’est les monstres

Entre des auteurs américains déjantés, un Norvégien, une Arménienne et un Lituanien, tous ambitieux explorateurs de la pensée et de l’écriture, les éditions Monsieur Toussaint Louverture ont donné la preuve de leur originalité. Aussi, publiant un roman graphique, elles attisent la curiosité. Que l’on se rassure, Emil Ferris est bien digne de figurer parmi le panthéon. L’abondance du noir et blanc hachuré, des bleuâtres, des rouges sanglants et du violacé, intrigue, inquiète. Les prestiges dangereux, dépressifs, du fantastique et de la peur saisissent l’imagination du lecteur, vigoureusement sollicitée. Car le cocktail détonnant Chicago-vampires-Allemagne nazie déferle sur l’existence de la petite Karen Reyes, qui n’a que 10 ans. La vulnérable héroïne se rêve en loup-garou pour transcender la violence familiale et urbaine. Sa belle voisine, Anka Silverberg, prétendument suicidée d’une balle dans le cœur, se révèle une revenante des camps nazis, ce qui donne lieu aux plages d’un récit emboîté. Un pandémonium de monstres déferle sur Chicago, prête à courir à feu et à sang, à l’occasion du meurtre de Martin Luther King, autant que dans le psychisme torturé du miroir déformant de la narratrice. Elle lit des magazines d’horreur, dessine sans cesse, entre dans les tableaux de l’Art Institute, enquête au sujet d’Anka, côtoie le cancer de sa mère, rencontre des « filles-serrures »… Sous ses canines protubérantes imaginaires elle pense achever la « vie de non-morts » des vampires. En ce combat entre le bien et le mal qui l’assaille, sa quête lui permet-elle, au travers des peintres du musée, de trouver Victor, son frère monstrueux perdu ?
Qui sont les monstres ? Emil Ferris elle-même, accouchant de créatures grinçantes, exorcisant ses peurs, ses fantasmes, les prédateurs humains et sexuels, les minorités rejetées, les survivants et agents de l’Holocauste… Voilà ce que pense Karen à propos de son frère Deeze, qui a «  des cadavres dans son placard » : « L’amour est une sorte de monstre, voire le monstre le plus bizarre en liberté. Et si vous pensez que l’amour ça déchire pas les gens en lambeaux sanglants… Vous avez tort ! » Autour de Karen, roulent « les sales rouages de la machinerie de la nuit »…
L’ouvrage prétend être en partie autobiographique, menacé par le pire de notre monde et du surnaturel, magnifié par des crayons virtuoses. Les allusions à des œuvres d’art, à la littérature, fourmillent, sans compter la religion, le satanisme, Dracula et Frankenstein… Onirique et cauchemardesque, caricatural, parodique, souvent tendre, morbide et psychologique, voire psychanalytique, le baroque opus, que l’on se concentre sur les textes ou sur les images, inséparables, n’ennuie pas un instant, nous emportant dans un maelstrom visuel et intellectuel proliférant.
Pensons à l’expressionnisme allemand, à M le Maudit de Fritz Lang, par exemple. Art Spiegelman, l’auteur de Maus (cette bande dessinée où des chats nazis persécutent des souris juives) ne tarit pas d’éloges sur les monstres trop humains qui sont les excroissances vénéneuses du cerveau d’Emil Ferris. La romancière et graphiste, née à Chicago en 1962, fut mère célibataire, longuement handicapée par un virus, consacra cinq années à son œuvre, sans se préoccuper des standards de la bande dessinée, bousculant l’espace des pages. Tout ceci contribue à l’univers unique de ce surgeon du romantisme noir et du gothique anglais surgi du stylo-bille d’une femme qui éleva une ode à la ténacité artistique ; au point de travailler aujourd’hui à un « Second livre » !

Thierry Guinhut

Moi ce que j’aime, c’est les monstres, Livre premier,
d’Emil Ferris, traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean-Charles Khalifa
Monsieur Toussaint Louverture, 416 pages, 34,90

Chasse aux créatures Par Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°196 , septembre 2018.
LMDA papier n°196
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