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Domaine étranger Passage d’un miracle

novembre 2018 | Le Matricule des Anges n°198 | par Lionel Destremau

L’Américain Joe Meno signe un ambitieux roman noir sur le thème du « vieillard et l’enfant ». Entre désillusions et lueurs d’espoir.

Prodiges et miracles

De Joe Meno, on a pu lire Le Blues de La Harpie où s’entremêlait déjà une trame de roman noir à une écriture poétique. Ce premier roman s’attachait à la question de la culpabilité, tant celle que l’on subit que celle que la société peut vous faire subir encore, quand bien même vous auriez payé votre dette. Avec Prodiges et miracles, Meno ouvre une autre perspective, et s’attaque à une construction romanesque plus ample.
La première partie du roman nous plonge en plein Midwest, dans un univers rural en crise. Jim Falls est un vieil homme qui tente de maintenir son élevage de poulets à flots. Veuf, ancien combattant de Corée, Jim est attaché à ces valeurs traditionnelles de l’Amérique qu’il voit s’effacer progressivement autour de lui. Tout comme sa ferme, il représente une race en voie de disparition. Il se retrouve avec son petit-fils sur les bras, Quentin, adolescent mulâtre dont on ne saura jamais qui était le père et que la mère junkie a abandonné. Quand le grand-père écoute de la country, le petit-fils se mure dans le silence, casque sur les oreilles crachant du rap ; quand il s’émerveille de la nature environnante, le môme se passionne pour des jeux vidéo et des reptiles en vivarium… Cette cohabitation qui paraît impossible va pourtant connaître une forme de révélation. Une erreur dans la répartition d’un héritage, et voilà qu’une magnifique jument blanche surgit un beau matin à la ferme. Jim Falls est persuadé, un temps, que c’est sa défunte épouse qui lui a fait envoyer le cheval… sorte de cadeau ou de message de l’au-delà, animal mythologique, métaphysique, venu bousculer son destin et, sans doute aussi, lui offrir une forme d’espérance à un moment où il se trouve sur le point de tout perdre, sa ferme, comme sa vie.
Cette première moitié du roman sur le thème du « vieillard et l’enfant » dans un paysage âpre et d’une beauté intangible est digne d’un McCarthy ou d’un Woodrell, mêlant présent et passé, méditation mélancolique sur les rêves américains déchus, sens du sacrifice, allégorie sur la famille. Sans pathos outrancier, avec une pudeur et un formidable sens des émotions retenues et des dialogues, Meno nous offre un duo de personnages qui s’apprennent et se livrent l’un à l’autre : « Pendant un moment le grand-père se laissa aller contre le garçon. Quelque chose – une sorte de pacte immémorial, une sorte d’affinité – illumina leurs visages un instant, et puis, aussi vite qu’elle était apparue, la lueur s’évanouit ».
Et puis le roman bascule dans un tout autre registre. L’apparition de ce cheval fantastique, à la fois symbole d’espoir, révélateur initiatique du lien entre les êtres, va amener des choix, des erreurs peut-être… et provoquer une chaîne d’événements. Ce don de Dieu n’a pas qu’une valeur symbolique bien sûr, il attise les convoitises. Volé par une équipe de bras cassés, de purs rednecks incultes carburant à la méth, le cheval doit être vendu à l’autre bout du pays. Jim et Quentin se lancent à la poursuite des voleurs, et nous embarquent dans une forme de road movie tragique, sanglant et nerveux, entre motels miteux, clubs de strip-tease glauques…, dont l’issue ne pourra être qu’aussi obscure que l’espoir lumineux que la jument aura fait naître : « un œil impassible, la lune pâle scrute la cime des cornouillers blancs, les arêtes de brique rouge des bâtiments industriels, les cheminées noires tendues vers le ciel, leurs émanations cernent les contours de la ville (…) l’obscurité tombe. »
Prodiges et miracles
de Joe Meno est à la fois un voyage initiatique, un roman sur la décrépitude du rêve américain, un western contemporain, et un roman noir entre ténèbres et éclats, violences et émerveillements.
Lionel Destremau

Prodiges et miracles, de Joe Meno
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Morgane Saysana, Agullo, 376 p., 22

Passage d’un miracle Par Lionel Destremau
Le Matricule des Anges n°198 , novembre 2018.
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