Catastrophes N°1
Depuis son premier numéro (« Octobre 17 »), jusqu’à son douzième, tous en ligne, les trois rédacteurs (Laurent Albarracin, Guillaume Condello et Pierre Vinclair) de Catastrophes n’ont eu de cesse de varier les angles d’attaque, y accueillant ou y incitant auteurs confirmés ou naissants, invisibles, impurs, comme d’en élargir les champs par la traduction. Belle et enthousiasmante entreprise, relativement classique par sa forme (thématique à la corde, de « Haute résolution », « Poètes au travail », « Honte de la nation », à « LLanfair », etc.), sans bavardage dans ses interrogations, Catastrophes paraît cette année sur papier avec le désir de répondre à toutes formes de nihilisme par la potentialité plurielle et optimiste de soubresauts. Sobrement sous-titré « Éclats de poésie contemporaine », le volume se décline en trois ensembles, trois R (Révolutions, Récréations et Révélations) suivis d’une Coda finale, traduction ici d’un poème de Phillip B. Williams qui s’essaie à la réécriture « en plus noir » du fameux The Waste Land (1922) de T. S. Eliot. Toute naïveté supposée, ou feinte… l’auteur peut, lyrisme passéiste enfin lâché, se risquer à un convaincant « J’ai vu dans la lueur d’un écran de téléphones les boutons/ de ma vie exploser tous en même temps et, derrière la structure/ se cachait la même vie, gonflée, gothique, avec des mouches ». De textes résolument démiurgiques (dans Révolutions), péchant parfois d’un recours quelque peu systématique à l’anaphore, aux poèmes parfois plus prosaïques de Madeleine Lee : « boîtes de conserve se ruant/ à des vitesses rendant furieux/ l’agent de circulation zélé », on retiendra aussi la fantasque correspondance entre Pierre Lenchepé et Ivar Ch’Var ou l’épistolaire variation clavier entre Julia Lepère et Fanny Garin.
E. L.
Catastrophes
Sous la direction de Pierre Vinclair
Le Corridor bleu, 256 p., 20 €