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Poésie « Écouter le territoire par les pieds »

mai 2019 | Le Matricule des Anges n°203 | par Richard Blin

Deux nouveaux livres de Jean-Pascal Dubost : l’un pour tout nous dire du métier de « scripturie », l’autre pour célébrer l’union charnelle à travers le corps joyeux de la langue.

Mais d’où vient votre inspiration ? » Cette question mille fois entendue, Jean-Pascal Dubost a décidé de la prendre à bras-le-corps en montrant ce qu’il en est de la réalité du poète « en état de travail poétique et de faisance ». Contre l’idée platonicienne d’inspiration comme don des dieux – « les bons poètes ne sont pas tels par l’effet d’un art, mais c’est inspirés par le dieu et possédés par lui qu’ils profèrent tous ces beaux poèmes » (Platon, dans Ion) –, il s’est agi pour lui, dans le cadre d’une résidence d’écriture en Ardèche, de se prendre pour cobaye et de témoigner, sous la forme d’un journal de réflexions illustré de poèmes, des principes qui guident son travail poétique. Du travail, le fruit de cette démarche, est un livre où vingt poèmes se construisent sous les yeux du lecteur. Car le poème est le produit fini d’une volonté de faire, d’une pensée en mouvement particulièrement sensible au rythme d’un corps ému, affecté ou saisi par l’intrusion du réel en lui. Le réel des lieux, de la marche (« écouter le territoire par les pieds »), des rêveries, des lectures, de la langue. « Verbiphage », bibliophage, affamé de mots – les anciens comme les nouveaux, ceux qui ont disparu comme ceux qu’il invente –, Jean-Pascal Dubost se délecte de la richesse de la langue, de la royauté de cette matière première qu’il ne cesse d’ausculter, d’interroger ou de mâcher à plaisir. Il réfléchit avec l’étymologie, forge des néologismes, multiplie les médiévismes, autrement dit s’ingénie à faire bouger la langue dans la langue. Chez lui, tout s’organise autour du couple lire/écrire et de citations qui provoquent ou déclenchent le désir d’écriture. D’où une poésie non inféodée au goût du lecteur, « à sa dictature du lisible et du compréhensible et du plaisir immédiat ». Une écriture-montage qui relève du plaisir du différé, de la réinvention constante, de la luxuriance baroque et d’une forme qui est celle du « poème en bloc » de prose. Un bloc d’une seule phrase, qui est bloc de souffle autant que forme-rythme, et qu’il faudrait pouvoir citer en entier. À titre d’exemple, voici comment commence le poème titré Du coc à l’asne  : « Ni dérobade mais couture de broderie saute-ruisseau d’un décousu confus et sans discrétion et labile et versatile de toutes choses confondues dans un tout issu des 5 sens qui changent tout et toujours et sans cesse et constamment si bien que… »
Ni ouvrier, ni paysan, le poète est « un trouvier », un « horrible travailleur » (Rimbaud comme Ivar Ch’vavar) dont le travail contribue à créer «  l’humeur favorable », à transformer le composite et le mouvant du monde en nœuds, en tensions, en énergie, et ce, dans le mouvement continuel d’une pensée ne cessant de réfléchir à l’acte d’écrire et à ses raisons. Une pensée à « sauts et gambades » qui nous vaut des poèmes joyeusement bizarres et innervés par une intensité qui n’a rien à voir avec l’ordre naturel sujet-verbe-complément. Des poèmes vibrant d’un contact vrai avec le réel, et débordant d’une langue juteuse, ni pure ni soumise, mais joyeusement délurée
Comme l’est le texte des Lupercales, qui – se réappropriant le mythe du dieu Lupercus et de la déesse-louve Luperca qui allaita Romulus et Rémus – transporte dans la forêt de Brocéliande (où habite l’auteur) ces deux entités mi-divines mi-humaines. Elles vont y vivre un « conte de Faits Érotiques irréellement passés en temps du jour d’hui ». Et Jean-Pascal Dubost d’esquisser la légende de leurs désirs et de leurs jouirs. Car ici, aimer n’est qu’actions concrètes entre deux joyeux et furieux « Ébattants », un Lupercus maître à jouir et une Luperca magnifiquement lubrique dans «  sa loudivine nudité ». « Foutoirement épris » l’un de l’autre, et mus par un désir aussi sauvage que doux, ils profitent de leurs corps « enjoyeusés » par d’incessantes pensées foutrassières. Taillant dans le lard syntaxique, mêlant ancien français, graphies mortes et inventions verbales, Dubost nous livre une exploration de l’érotisme, qui est exploration de la langue, fête « sexographique », grande et belle foutrerie distillant, au fil de scènes, de dire et de pensées, les fragments d’une érotique amoureuse continue où n’existerait nul divorce entre l’esprit et la chair. Une célébration rhétorique, une débauche du corps et du verbe à mettre entre toutes les mains.

Richard Blin

Jean-Pascal Dubost
Du travail,
avec des dessins de Francis Limérat, 208 pages, 25 ,
et Lupercales,
avec une lecture de Lambert Schlechter et des dessins d’Aurélie de Heinzelin,
136 pages, 20 , L’Atelier contemporain.

« Écouter le territoire par les pieds » Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°203 , mai 2019.
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