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Poésie Vu de l’intérieur

janvier 2020 | Le Matricule des Anges n°209 | par Emmanuelle Rodrigues

Ludovic Degroote nous donne à lire au rythme de textes récents et de plus anciens sa quête poétique et esthétique.

Si décousu rassemble des poèmes pour une part déjà édités, ayant fait l’objet de tirages limités sous forme de livres d’artiste, en plaquettes ou en revues. D’autres sont en revanche inédits. Écrits entre les années 1989 et 2015, ces quarante-deux textes forment un ensemble hétéroclite qui pourrait donner l’impression d’une sorte d’anthologie se conformant ainsi à un titre programmatique. Pourtant, il n’en est rien. Au fil de l’ouvrage, une voix des plus singulières se fait entendre, semblablement au ressac de la mer, toujours reconnaissable et changeante. C’est d’ailleurs bien cette palette de nuances, infiniment subtiles, que l’on retrouve ici, lorsque Ludovic Degroote décrit l’importance qu’il donne au sensible. La distinction qui oppose de manière tranchée dedans et dehors n’a ici plus lieu d’être. Ce qui tient donc ensemble mots et affects, c’est la nécessité de saisir ce qui échappe à notre perception : « on n’est jamais vraiment séparé/ plutôt décalé/ dans l’insuffisance d’écrire/ ce qu’on a failli toucher ». Si bien fait que nos sensations toujours mouvantes ne sont pas tant inapprochables que difficiles à nommer mais aussi à expliciter. Reste que « sentir le monde », selon le leitmotiv de l’auteur, c’est avant tout s’extraire de « la purée des émotions, des états du moi  ». L’espace naturel façonné par les forces d’érosion, la mer et le vent, que le Nord, pays de falaises abruptes et de longs ciels donne à voir, constitue le cadre de ces « terres intérieures » ici évoquées comme un lieu d’errance. Ainsi, lit-on, « il faudrait séparer la mer de mon regard séparer mon regard/ de ma tête et ma tête du monde/ il faudrait me séparer de moi-même ».
Par ce paysage, l’espace du dedans est justement lui aussi perçu comme un dehors. À la manière du peintre qui se placerait devant sa toile et verrait son motif, l’écrivain nous dit encore à propos de la mer, « je la regarde et manque d’yeux ». Que nos yeux se perdent dans l’immensité du réel, et notre relation au monde nous conduit à saisir ce quelque chose qui disparaît tout en advenant, et dès lors, forme là le moment précaire mais crucial d’une émotion fondatrice. Précisément, « la lente défiguration du temps » donne son aspect « si décousu » à cette poétique. Plus encore, oubli, disparition, effacement composent entre des silences, des suspens et des blancs, « la matière durable de ce que nous avons été ». Ludovic Degroote note aussi : « je me suis construit par effacement » tout en affirmant « il faut du temps/ pour se conserver/ réduire la distance/ qui vous mène à vous-même/ à travers ce qui disparaît » puis, « on ne peut faire face au monde/ sans commencer par soi/ donc je sors dedans/ cherchant de quoi durer/ au pied de mon étage ». Il y a là beaucoup de doute dans cette manière de questionner l’évidence et d’ordonner sa vision. Ainsi s’entend ce vers : « je n’avance pas », et cet autre y fait également écho : « dans le temps immédiat/ je rate mes yeux/ avec le présent  », et encore : « je m’attache (…) à l’évidence d’un monde auquel j’aimerais me mêler ».
Rendre lisible le monde, en inscrire quelques signes sur la page blanche, surface plane mais toujours à creuser, demeure ici de mise, car les mots œuvrent par leur densité signifiante : « la forme des mots/ n’est pas loin du sens ». Comparée à la peau d’un visage, tissu et matière, la page encore vierge est celle que les mots viennent piquer et repiquer donnant lieu à cette « couture du blanc » par laquelle le poème s’écrira hors de toute poésie. Enfin, de cette page encore, à l’instar d’un seuil ou d’une limite, se perçoit cette parole à la fois écoute et regard.
Emmanuelle Rodrigues

Si décousu, de Ludovic Degroote
Unes, 136 pages, 21

Vu de l’intérieur Par Emmanuelle Rodrigues
Le Matricule des Anges n°209 , janvier 2020.
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