Ambitieux, ce premier roman venu d’Algérie se propose, partant des années 1930 pour arriver jusqu’aux années 2000, de brosser le portrait d’un pays, son « peuple d’ombres et de vivants » (citation de Jean Amrouche, en exergue) et sa terre – « qui a des tripes, comme tout ce qui est vivant », dixit la vieille et prosaïque Baya, dès la première page. Baya, l’ancêtre, l’obstinée, branche principale du récit, s’adresse à son arrière-petit-fils, le jeune Nour, un étudiant lunaire et tourmenté. Ces deux-là font la paire : l’une, d’origine campagnarde, âgée de 14 ans en 1935 (et sur le point d’être mariée), sert de point de départ au roman ; l’autre est un grand ado, un citadin, un intello, cocooné par sa tribu de femmes, puisqu’il vit entouré de son arrière-grand-mère, de sa grand-mère Fatima et de sa mère Meriem.
Entre Baya et Nour, entre l’ancienne et le moderne, se déroule une interminable saga, semée de non-dits, d’énigmes et d’angoisses liées à la filiation. Qu’est devenu le fils de Baya, arraché à sa mère en pleine guerre d’Algérie ? Qui est vraiment Kamel, le mari falot de Meriem, soupçonné de terrorisme et jeté en prison ? Et cette séduisante Mona, de qui est-elle la fille ? L’écriture de Hajar Bali (auteure d’un recueil de nouvelles et d’un texte de théâtre) est celle des séries télé : rapide et sans apprêt. Sur quelque trois cents pages, flash-back incessants à l’appui, défilent plusieurs histoires, qui se superposent ou s’emmêlent, entrecoupées des divagations pseudo-philosophiques du jeune Nour et de ses amis étudiants.
Roman du désarroi, pressé de tout dire, Écorces semble hésiter, à l’image de Nour, quant au chemin à suivre. Mais il témoigne, et c’est là son grand intérêt, du souci passionné de combler les silences de l’Histoire et des difficultés de remonter aux sources.
C. S.
Écorces, de Hajar Bali
Belfond, 304 pages, 18 €
Domaine français Ecorces
février 2020 | Le Matricule des Anges n°210
| par
Catherine Simon
Un livre
Par
Catherine Simon
Le Matricule des Anges n°210
, février 2020.