Rien de commun avec son précédent roman, La Douleur porte un masque de plumes, sinon un goût tout en délicatesse pour le surnaturel en ce conte. Cette fois, Max Porter nous brinquebale avec « Le Père Lathrée morte » qui a tantôt des « bras en mélèze malade », tantôt un vêtement « en pot d’échappement » et couche sous les morts. À l’affût des voix d’enfants, le monstre, par ailleurs « tamiseur d’humus culturel depuis soixante-quatorze générations », va rencontrer Lanny. Les voix de la narration sont cependant nombreuses, le papa, la maman qui écrit des polars noirs et violents, un étrange artiste qui joue avec les squelettes d’oiseaux, puis donne des leçons de peinture à l’enfant fameusement doué, y compris en labyrinthes ; ce dernier disparaît soudain. Le récit, troué de blanc et d’échos, se fait angoissant, policier, mêlant soupçons, témoignages, enquête et psychoses diverses. Le coupable est-il le peintre, le Père Lathrée ? N’est-ce qu’une fugue avec ce dernier, ou un banal incident, piégé qu’il est dans une vieille canalisation ?
Certes Lanny est un habitant de la famille littéraire de la fantasy, mais avec un ton et des thématiques qui ne sont qu’à lui. Une poétique épouvante s’empare de tous quand le Père Lathrée se faufile, dans le village, les maisons, alors qu’il n’est peut-être que le résultat de l’imaginaire enfantin, quand la disparition remue toutes les peurs. Cependant les portraits et les conversations contribuent à une dimension psychologique et sociologique riche de sens et de satire sociale. Comme Lanny, nous ferions bien de construire « un petit musée de choses magiques », pour que les gens « tombent amoureux de tout »…
Thierry Guinhut
Lanny de Max Porter
Traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Charles Recoursé,
Seuil, 240 pages, 20 €
Domaine étranger Lanny
février 2020 | Le Matricule des Anges n°210
| par
Thierry Guinhut
Un livre
Par
Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°210
, février 2020.