Vaste entreprise d’autobiographie mélancolique à peine fictionnée, l’œuvre du Grec Yòrgos Ioànnou se compose de récits et nouvelles qui le placent parmi les plus grands auteurs grecs du siècle dernier. Né en 1927, décédé en 1985, son existence fut relativement courte, et c’est ici Le Seul Héritage de ses aïeux mâles tous morts entre cinquante et soixante ans. Inspiré et sensible, il fut un artiste subtil au parcours compliqué de guerre et de secret – son homosexualité n’était pas exprimable –, avec, pour viatique, la littérature, un ressort qu’il n’exploitera qu’à l’âge de 44 ans lorsqu’il entreprendra de publier ses récits. À l’égal de la Trieste de Sciascia et de Mattioni, Thessalonique est la ville-muse de Ioànnou qui y trouva ainsi qu’en sa famille les éléments de son œuvre. Celle-ci comme un vaste puzzle ou comme un diaire empreint d’une profonde émotion se déroule comme une longue interrogation existentielle parfois teintée d’ironie ou de perplexité. « Je ferais mieux de commencer à m’y préparer, me dis-je. Mieux vaut s’attendre au pire, pour ne pas être pris de court. Mes ancêtres sont tous morts jeunes et c’étaient tous des gaillards. Qu’en sera-t-il de moi qui n’ai jamais eu de moutons à faire paître, de vignobles à cultiver ni de caïques à manœuvrer, et qui ne sais même pas nager ? »
Son recueil Le Sarcophage précédemment paru à la même enseigne avait dès 1992 était salué pour ces qualités peu ordinaires. Le Seul héritage ne déçoit pas une seconde, laissant en outre une certaine impatience vis-à-vis du travail des traducteurs dont on aimerait, mais ce n’est qu’un vœu, que le beau travail se poursuive vite…
Éric Dussert
Le Seul Héritage, de Yòrgos Ioànnou
Traduit du grec par Hélène Zervas & Michel Volkovitch,
Le Miel des anges, 142 pages, 12 €
Domaine étranger Tristes aïeux
juillet 2020 | Le Matricule des Anges n°215
| par
Éric Dussert
Un livre
Tristes aïeux
Par
Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°215
, juillet 2020.