Et Mimì pense qu’il va les tuer tous. Tous, s’ils ne partent pas, s’ils ne partent pas d’ici, s’ils ne le laissent pas seuls, dans ce salon, Mimì va faire un carnage, il va les tuer tous. » Mimì, c’est le chef local de la Sacra Corona Unità, une organisation mafieuse située dans la région des Pouilles. Et s’il est si furieux, c’est que ce salon abrite un cercueil, et que dans ce cercueil repose le corps disloqué de son fils de 15 ans, après une chute de sept étages. Son Michele suicidé, il va donc lui falloir se venger. Entrée en matière diablement efficace et accrocheuse, comme l’est la narration tout au long des 200 pages qui suivent. La langue, obsessionnelle, tourne en boucle autour de cette « unique pensée – l’unique, concrète », prête à restituer une violence qui ne demande qu’à exploser – et qui ne s’en prive pas d’ailleurs. Tous les ingrédients sont donc réunis pour faire de ce premier roman de l’Italien Andrea Donaera un livre choc. C’est le cas, au moins en partie, au moins au début : difficile de ne pas être happé par cette descente aux enfers autodestructrice où « une bête blessée trop fort » cherche un impossible apaisement dans le sang et dans cette « peur très belle » qu’elle suscite dans les yeux de ses victimes. Pour autant, le texte bascule bientôt dans une atmosphère grand-guignolesque quand, à la vengeance, s’ajoute une folie meurtrière tous azimuts : Mimì dézingue ses propres acolytes (strangulation, corps réduit en bouillie sous une voiture), sa femme (balle dans la tête) et la jeune fille qui a éconduit son fils (brûlée à l’acide), avant de finir lui-même quasiment décapité par le fils de sa femme qui a couché avec sa propre sœur (vous suivez ?). Car oui, ce n’est pas fini, à ce repas déjà bien chargé s’ajoutent encore l’inceste (entre frère et sœur donc) et l’enfance abusée (visiblement une tradition familiale). On finit donc la lecture légèrement barbouillé. Mais – et c’est le signe que tout n’est perdu –, on la finit quand même. On peut néanmoins espérer un deuxième essai plus diététique.
Valérie Nigdélian
Je suis la bête, d’Andrea Donaera
Traduit de l’italien par Lise Caillat
Cambourakis, 216 pages, 20 €
Domaine étranger Rouge sang
septembre 2020 | Le Matricule des Anges n°216
| par
Valérie Nigdélian
Un livre
Rouge sang
Par
Valérie Nigdélian
Le Matricule des Anges n°216
, septembre 2020.