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Théâtre Fugues familiales

février 2021 | Le Matricule des Anges n°220 | par Laurence Cazaux

Au nom de l’amour pour l’enfant, les deux pièces de Fredrik Brattberg transforment la famille en champ de bataille.

Le Père de l’enfant de la mère ; Sur la côte sud

Né en 1978 en Norvège, Fredrik Brattberg s’est d’abord fait connaître dans le monde de la musique classique comme un très bon interprète de Beethoven notamment, puis comme compositeur avec une quarantaine d’œuvres contemporaines à son actif. Dans un entretien il explique : « J’ai composé de la musique contemporaine pendant dix ans avant de commencer à écrire du théâtre. J’utilise la répétition et m’emploie à developper les mêmes situations, les mêmes évènements, en les modifiant graduellement comme on le fait avec la mélodie dans une symphonie. »
Si comme le mentionne le dictionnaire Larousse, la fugue est « une composition musicale qui donne l’impression d’une fuite et d’une poursuite par l’entrée successive des voix et la reprise d’un même thème », alors les deux pièces de Brattberg, qui viennent d’être traduites à l’Arche, ressemblent bien à deux fugues. Elles sont toutes deux composées avec la répétition de quelques séquences qui tournent autour de la cellule familiale menacée d’implosion.
Le titre de la première pièce, Le Père de l’enfant de la mère, est magnifiquement trouvé, il porte en lui l’origine du conflit. Dans cette famille, seule l’enfant est nommée, elle s’appelle Frida, mais durant toute la pièce elle ne prendra pas la parole. Elle rit, pleure, joue, mais ne parle pas. La mère n’arrive pas à se séparer de sa fille, faire les courses est déjà pour elle un supplice. Du coup, le père peine à trouver sa place. Les deux parents, au nom de l’amour qu’ils portent à leur fille, vont alors entrer en compétition permanente. Brattberg utilise dans ce texte dix séquences qu’il nomme de A à J. Lorsqu’il reprend une séquence, il y introduit de petits changements pointant le conflit qui s’insinue dans des détails. La tension s’exacerbe sur les petites choses du quotidien comme faire une brioche à trois, jouer avec l’enfant ou lui lire un livre. La mauvaise volonté se niche dans le fait de traîner à faire les lacets de ses chaussures ou à répondre au téléphone. L’enfant devient le lieu de l’appropriation, le père lutte pour que l’enfant de la mère devienne « la petite chérie à son papa », quitte à utiliser des procédés déloyaux, comme manger des bonbons devant sa fille pour lui faire quitter sa mère et le rejoindre, attirée par les friandises.
La seconde pièce, Sur la côte sud, semble mettre en jeu la même structure familiale. Mais cette fois-ci le père s’appelle Magnus, la fille s’appelle toujours Frida, elle ne dira pas un mot non plus, la mère devient Elle, accompagnée de ses parents, le grand-père et la grand-mère. Les cinq vont passer quelques jours de vacances à la mer, dans une maison « les pieds dans l’eau ». Le décor semble paradisiaque, tout le monde n’arrête pas de s’extasier sur le bonheur d’être là, ensemble. Mais très vite les mêmes mécanismes sont à l’œuvre, à savoir être en concurrence pour s’approprier l’enfant. Ainsi quand Frida se réveille, la grand-mère déclare : « Ma petite-fille à moi, quel plaisir qu’on soit ensemble, qu’on soit ensemble pour passer ces journées ici. Ta grand-mère est tellement contente, tellement contente de te voir plusieurs jours d’affilée. » Et le grand-père de s’écrier aussitôt : « Ton grand-père aussi. »
Ces deux pièces procèdent par petites touches et pointent avec un humour très mordant les démons qui hantent les familles. Elles dissèquent en quelque sorte la prison que la structure familiale met en œuvre sous couvert d’amour, avec son lot de chantage affectif, de prise de pouvoir, de lutte, de jalousie, de dispute… Ces deux textes sont remarquablement construits, le premier se termine par une séparation, le second par une fuite, les tensions finissent en déflagration. Deux textes qui fonctionnent comme un révélateur troublant et jubilatoire en même temps.

Laurence Cazaux

Le Père de l’enfant de la mère et Sur la côte sud
Fredrik Brattberg
Traduit du norvégien par Jean-Baptiste Coursaud
L’Arche, 160 pages, 15

Fugues familiales Par Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°220 , février 2021.
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