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Domaine français Désorienté

juin 2021 | Le Matricule des Anges n°224 | par Anthony Dufraisse

Un homme, qui séjourne dans un village après un accident, perd peu à peu ses repères. Erre, erre, jusqu’au vertige.

Sébastien Brebel, c’est cinq livres en vingt ans : Place forte, Le Fauteuil de Bacon, Villa Bunker, La Baie vitrée et aujourd’hui Erre, erre, tous chez P.O.L. Leur point commun : ils cultivent souvent une inquiétante étrangeté, et celui-ci particulièrement, dont le titre fait écho aux paroles d’une chanson de Bashung. Dans cette histoire d’un homme – le narrateur – qui semble fuir quelque chose, tout se fait opaque, tend à l’indécision. Les personnages, à commencer par Léo, le protagoniste, paraissent le plus souvent déphasés, dans l’évitement. Le décor – un village du nom de « Morne » – apparaît comme un espace-temps incertain.
L’action ? Labyrinthique, elle tourne en rond dès le départ, quand le narrateur, apparu au bord d’une route comme « un fantôme au milieu de nulle part » après un accident de voiture, arrive en auto-stop dans ce lieu où vit sa grand-mère impotente. Où Brebel excelle décidément, ici comme dans ses précédents livres, c’est dans l’installation d’une atmosphère pesante, presque oppressante. On ne sait jamais sur quel pied danser, pris d’une page à l’autre dans une situation d’oscillation, mouvante, à l’image de ce que Léo dit des songes : « une impression en chass(e) une autre, comme c’est souvent le cas dans les rêves ». Le dispositif narratif de Brebel piège habilement le lecteur à mesure qu’il veut connaître le passé de cet homme assez taiseux et ce qui va se passer pour lui. Nous voilà suspendus aux lèvres de ce personnage quasi spectral, comme psychiquement épuisé. Entretenir cet état d’attente, cette fébrilité, c’est le propre de cette écriture qui, sinueuse, serpentine (ah cette phrase envoûtante de trois pages, au milieu du livre, évoquant des souvenirs en forêt…), fonctionne comme un processus de captation. On pourrait presque dire des phrases de Brebel qu’elles ont sur les lecteurs les mêmes effets que les actrices sur les hommes, selon la grand-mère de Léo chez qui il débarque sans prévenir : « de vrais virus implantés dans le cerveau ». Elles contaminent et prennent le contrôle insensiblement, bel et bien. Les sentiments et les sensations du personnage central se donnent, on l’a dit plus haut, sans se donner jamais tout à fait. La présence (ou l’absence) de différentes femmes à ses côtés (la désœuvrée Dahlia, sa sœur Hortense, Jeanne, la compagne quittée…) fait office, dirait-on, de chœur désaccordé, qui scande une montée en tension dont on attend, nerveusement, le dénouement.
Silhouettes intrigantes ou inquiétantes, familières ou hostiles, les figures-seconds rôles que Brebel anime furtivement, sont comme des portes dérobées, secrètes, derrière lesquelles d’autres histoires attendent d’être racontées. Elles démultiplient les pistes d’un récit dont la trame première est, au fond, celle d’une sorte de désorientation physique et psychique. Une boussole qui s’affole. Refermant ce nouveau roman, on se dit que Brebel devrait se mettre au polar. Lui qui a déjà l’art et la manière de manipuler son lecteur, ferait merveille en la matière.

Anthony Dufraisse

Erre, erre,
Sébastien Brebel
P.O.L, 154 pages, 16

Désorienté Par Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°224 , juin 2021.
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